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    FLAVIUS JOSÈPHE - Guerre des juifs.

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    Message  Arlitto Mer 18 Nov 2020 - 18:57

    Rappel du premier message :

    FLAVIUS JOSÈPHE

    Guerre des juifs.

    LIVRE 1

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    FLAVIUS JOSÈPHE - Guerre des juifs. - Page 2 5c3q

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    Documentaire : La Guerre des Juifs - Rome contre capital of Israel


    Après la mort d’Hérode lupus Grand, roi Diamond State Judée, la Terre promise connaît une période agitée, due notamment à l’action Diamond State gouverneurs romains souvent cupides. Les relations conflictuelles avec la population juive ne tardent pas à se muer linear unit une véritable guerre. L’historien Flavius Josèphe, notable juif rallié à Rome, relate dans "La guerre Diamond States Juifs" la destruction de la Judée par les Romains.


    Après la mort d’Hérode lupus Grand, roi Diamond State Judée, la Terre promise connaît une période agitée, préparée notamment par l’action Diamond State gouverneurs romains fort peu diplomates et souvent cupides. Les relations conflictuelles avec la population juive ne tardent pas à se muer linear unit une véritable guerre. Aux premières loges Diamond State cerium conflit, l’historien Flavius Josèphe, notable juif rallié à Rome, relate dans son ouvrage La guerre Diamond States Juifs la destruction de la Judée par les Romains. Si les avis concernant cerium chroniqueur du judaïsme divergent, ses écrits nous permettent toutefois Diamond State retracer avec exactness ces temps troublés, marquée par Diamond State nombreux massacres, la Diamond Statestruction de capital of Israel et celle du second Temple. linear unit s’appuyant Sur la biographie Diamond State Flavius Josèphe, cerium documentaire permet Diamond State retracer l’histoire du peuple juif, dont lupus soulèvement infructueux face à l’Empire romain a précipité la dispersion dans lupus monde entier.


    LIVRE 1


    PRÉAMBULE [1]



    SOMMAIRE. – 1-2 - Pourquoi Josèphe a entrepris cet ouvrage. Grandeur du sujet, insuffisance des récits antérieurs. - 3. Erreur de ceux qui rabaissent la résistance des Juifs - 4. Sentiments personnels de l'auteur. – 5. Supériorité de l'historien des faits contemporains sur le compilateur d'histoires anciennes. - 6. Le passé lointain des Juifs ; inutilité d'y remonter. – 7-11. Aperçu sommaire des faits traités dans cet ouvrage. - 12. Sa division, sa sincérité.
    1- [1] La guerre que les Juifs engagèrent contre les Romains est la plus considérable, non seulement de ce siècle, mais, peu s'en faut, de toutes celles qui, au rapport de la tradition, ont surgi soit entre cités. soit entre nations. Cependant parmi ceux qui en ont écrit l'histoire, les uns, n'ayant pas assisté aux événements, ont rassemblé par oui dire des renseignements fortuits et contradictoires, qu'ils ont mis en œuvre a la façon des sophistes; les autres, témoins des faits, les ont altérés par flatterie envers les Romains ou par haine envers les Juifs, et leurs ouvrages contiennent ici un réquisitoire, là un panégyrique, jamais un récit historique exact. C'est pour cela que je me suis proposé de raconter en grec cette histoire, à l'usage de ceux qui vivent sous la domination romaine. traduisant l'ouvrage que j'ai composé auparavant dans ma langue maternelle[2] à l'usage des Barbares de l'intérieur. Mon nom est Josèphe, fils de Matthias, Hébreu de nation[3], originaire de Jérusalem, prêtre : aux débuts j'ai moi-même prispart à la guerre contre les Romains ; les événements ultérieurs, j'y ai assisté par contrainte.
    2. [4] Quand se produisit[4] 3 le grand mouvement dont je viens de parler, les affaires des Romains étaient malades : chez les Juifs, le parti révolutionnaire profita de ces temps troublés pour se soulever[5], jouissant alors de la plénitude de ses forces et de ses ressources ; tel était l'excès des désordres, que les uns conçurent l'espoir de conquérir l'Orient, les autres la crainte d’en être dépouillés. En effet, les Juifs espérèrent que tous ceux de leur race, habitant au delà de l'Euphrate, se révolteraient avec eux : d'autre part, les Romains étaient inquiets de l'attitude des Gaulois, leurs voisins ; la Germanie[6] demeurait point enrepos. Après la mort de Néron, la confusion régnait partout, beaucoup, alléchés par les circonstances, aspiraient au principat ; la soldatesque, séduite par l'espoir du butin, ne rêvait que de changements. - J'ai donc pensé que, s'agissant d'événements si considérables, il était absurde de laisser la vérité s'égarer. Alors que les Parthes, les Babyloniens, les Arabes les plus éloignés, nos compatriotes habitant au delà de l'Euphrate, les Adiabéniens savent exactement, grâce à mes recherches, l'origine de la guerre, les péripéties les douloureuses qui en marquèrent le cours, enfin le dénouement, il ne faut pas que, en revanche, les Grecs et ceux des Romains qui n'ont pas pris part à la campagne continuent à ignorer tout cela parce qu'ils n'ont rencontré que flatteries ou fictions.
    3. [7] Et cependant on ose donner le titre d'histoires à ces écrits qui, à mon avis, non seulement ne racontent rien de sensé. mais ne répondent pas même à l'objet de leurs auteurs. Voilà, en effet, des écrivains, qui. voulant exalter la grandeur des Romains, ne cessent de calomnier et de rabaisser les Juifs : or, je ne vois pas en vérité comment paraîtraient grands ceux qui n’ont vaincu que des petits. Enfin, ils n’ont égard ni à la longue durée de la guerre, ni aux effectifs considérables de cette armée romaine, qui peina durement, ni à la gloire des chefs, dont les efforts et les sueurs devant Jérusalem, Si l'on rabaisse l'importance de leur succès, tombent eux-mêmes dans le mépris [6a].
    4. [9] Cependant je ne me suis pas proposé de rivaliser avec ceux qui exaltent la gloire des Romains en exagérant moi-même celle de mes compatriotes :  je rajoute exactement les faits accomplis par les uns et par les autres :  quant à l'appréciation des événements, je ne pourrai m'abstraire de mes propres sentiments [6b], ni refuser libre cours à ma douleur pour gémir sur les malheurs de ma patrie. Que ce sont, en effet, les factions domestiques qui l'ont détruite, que ce sont les tyrans des Juifs qui ont attiré sur le Temple saint le bras des Romains, contraints et forcés, et les ravages de l'incendie, c’est ce dont Titus César, auteur de cette dévastation, portera lui-même témoignage, lui qui, pendant toute la guerre, eut pitié de ce peuple garrotté par les factieux, lui qui souvent différa volontairement la ruine de la ville, et, en prolongeant le siège, voulut fournir aux coupables l'occasion de se repentir. On pourra critiquer les accusations que je dirige contre les tyrans et leur séquelle de brigands, les gémissements que je pousse sur les malheurs de ma patrie ; on voudra bien pourtant pardonner à ma douleur, fût-elle contraire à la loi du genre historique. Car de toutes les cités soumises aux Romains, c'est la nôtre qui s'est élevée au plus haut degré de prospérité pour retomber dans le plus profond abîme de malheur. En effet, toutes les catastrophes enregistrées depuis le commencement des siècles me paraissent, par comparaison, inférieures aux nôtres[7], et comme ce n'est pas l'étranger qui est responsable de ces misères, il m'a été impossible de retenir mes plaintes. Ai-je affaire à un critique inflexible envers l'attendrissement? Qu'il veuille bien alors faire deux parts de mon ouvrage mettre sur le compte de l'histoire les faits, et sur celui de l'historien les larmes.
    5. [13] Maintenant, comment ne pas blâmer ces Grecs diserts qui, trouvant dans l’histoire contemporaine une série d'événements dont l'importance éclipse complètement celle des guerres de l'antiquité, ne s'érigent pas moins en juges malveillants des auteurs appliqués à l'étude de ces faits, - auteurs aussi inférieurs a leurs critiques par l'éloquence que supérieurs par le jugement - tandis qu'eux-mêmes s'appliquent à récrire l'histoire des Assyriens et des Mèdes sous prétexte que les anciens écrivains l'ont médiocrement racontée? Et pourtant ils le cèdent à ces derniers aussi bien sous le rapport du talent que sous celui de la méthode: car les anciens, sans exception, se sont attachés à écrire l'histoire de leur propre temps, alors que la connaissance directe qu'ils avaient des événements donnait à leur récit la clarté de la vie, alors qu'ils savaient qu'ils se déshonoreraient en altérant la vérité devant un public bien informé. En réalité, livrer à la mémoire des hommes des faits qui n'ont pas encore été racontésrassembler pour la postérité les événements contemporains, est une entreprise qui mérite a coup sûr la louange et l'estime; le vrai travailleur, ce n'est pas celui qui se contente de remanier l'économie et le plan de l'ouvrage d'un autre, mais celui qui raconte des choses inédites et compose avec une entière originalité tout un corps d'histoire. Pour moi, quoique étranger je n'ai épargné ni dépenses ni peines pour cet ouvrage, oùj'offre aux Grecs et aux Romains le souvenir de faits mémorables ; tandis que les Grecs de naissance (7a), si prompts à ouvrir leur bouche et à délier leur langue quand il s'agit de gains et de procès, s'agit-il, au contraire, d'histoire, où il faut dire ta vérité et réunir les faits au prix de grands efforts, les voilà muselés et abandonnant à des esprits médiocres, mal informés, le soin de consigner les actions des grands capitaines. Apportons donc cet hommage à la vérité historique, puisque les Grecs la négligent.
    6. [17] L'histoire ancienne des Juifs, qui ils étaient et comment ils émigrèrent d'Égypte, les pays qu'ils parcoururent dans leur marche errante, les lieux qu'ils occupèrent ensuite, et comment ils en furent déportés, tout ce récit je l'ai jugé inopportun à cette place, et d'ailleurs superflu, car, avant moi, beaucoup de Juifs ont raconté exactement l'histoire de nos pères, et quelques Grecs ont fait passer dans leur langue ces récits, sans altérer sensiblement la vérité[8].C'est donc à l'endroit où cesse le témoignage de ces historiens et de nos prophètes que je fixerai le début de mon ouvrage. Parmi les événements qui suivent je traiterai avec le plus de détail et de soin possibles ceux de la guerre dont je fus témoin; quant a ceux qui précèdent mon temps, je me contenterai d'une esquisse sommaire.
    7. [19] C'est ainsi que je raconterai brièvement comment Antiochus, surnommé Épiphane, après s’être emparé de Jérusalem par la force, occupa la ville trois ans et six mois jusqu'a ce qu'il fut chassé du pays par les fils d'Asmonée : ensuite, comment les descendants des Asmonéens, se disputant le trône, entraînèrent dans leur querelle les Romains et Pompée : comment Hérode, fils d’Antipater, mit fin à leur dynastie avec le concours de Sossius :  comment le peuple, après la mort d’Hérode, fut livré à la sédition sous le principat d'Auguste à Rome. Quintilius Varus étant gouverneur du pays ; comment la guerre éclata la douzième année du principat de Néron, les événements qui se succédèrent sous le gouvernement Cestius, les lieux que dans leur premier élan les Juifs occupèrent de vive force.
    8. [21] Je dirai ensuite comment ils fortifièrent les villes voisines : comment  Néron,   ému des  revers de Ceslius et craignant  une  ruine complète de l’empire, chargea Vespasien de la conduite de la guerre ; comment celui-ci, accompagné de l’aîné de ses fils, envahit le territoire des Juifs ; avec quels effectifs, romains ou alliés, il se répandit dans toute la Galilée[9] ; comment il occupa les villes de cette province, les unes par force, les autres par composition. En  cet endroit de mon livre viendront des renseignements sur la belle discipline des Romains à la guerre, sur l’entraînement de leurs légions, puis sur l’étendue et la nature des deux Galilées, les limites de la Judée et les particularités de ce pays, les lacs, les sources qu’on y trouve ; enfin, pour chaque ville, je raconterai les misères de ceux qui y furent pris, le tout avec exactitude, selon ce que j’ai vu ou souffert moi-même. Car je ne cacherai rien de mes propres infortunes, puisqu’aussi bien je m’adresse à des gens qui les connaissent.
    9. [23] Je raconte ensuite comment, au moment où déjà la situation des Juifs périclitait, Néron mourut, et Vespasien, qui avançait vers Jérusalem, en fut détourné pour aller occuper la dignité impériale ; j’énumère les présages qu’il obtint à ce sujet , les révolutions de Rome, les soldats le saluant malgré lui du titre d’empereur, puis, quand il s’est rendu en Égypte pour mettre ordre dans l'empire, la Judée en proie aux factions, des tyrans surgissant et luttant les uns contre les autres,
    10. [25] Je montre alors Titus quittant l'Égypte et envahissant une seconde fois notre contrée ;  j'explique comment il rassembla ses troupes, en quels lieux, en quel nombre ; dans quel étatà son arrivée, la discorde avait mis la ville ; toutes les attaques de Titus, tous ses travaux d'approche, et, d'autre part, la triple enceinte de nos murailles, leurs dimensions, la force de notre ville, la disposition de l’enceinte sacrée et du Temple, leurs mesures et celles de l'autel, le toutavec exactitude ; je décris quelques rites usités dans nos fêtes, les sept degrés de la pureté[10], les fonctions des prêtres, leurs vêtements et cieux du grand pontife, enfin le sanctuaire du Temple, le tout sans rien omettre, sans rien ajouter aux détails pris sur le fait.
    11. [27] Je dépeins ensuite la cruauté des tyrans contre des compatriotes, contrastant avec les ménagements des Romains a l'égard d'étrangers ; je racontecombien de fois Titus, désirant sauver la ville et le Temple, invita les factions à traiter. Je classerai les souffrances et les misères du peuple, provenant soit de la guerre, soit des séditions, soit de la famine, et qui finirent par les réduire à la captivité. Je n’omettrai ni les mésaventures des déserteurs, ni les supplices infligés aux prisonniers ; je raconterai le Temple incendié malgré César, quels objets sacrés furent arrachés des flammes, la prise de la ville entière, les signes et les prodiges qui précédèrent cet événement ; la capture des tyrans, le grand nombre des captifs vendus à l'encan, les destinées si variées qu’ils rencontrèrent ; puis la manière dont les Romains étouffèrent les dernières convulsions de cette guerre et démolirent les remparts des forteresses, Titus parcourant toute la contrée pour l’organiser, enfin son départ pour l’Italie et son triomphe.
    12. [30] Tel est l’ensemble des événement que je compte raconter et embrasser dans sept livres. Je ne laisserai à ceux qui connaissent les faits et qui ont assisté à, la guerre aucun prétexte de blâme ou d'accusation, - je parle de ceux qui cherchent dans l'histoire la vérité, et non le plaisir. Et je commencerai mon récit par où j'ai commencé le sommaire[11] qu'on vient de lire.


    LIVRE IER
    I
    1. Dissensions entre nobles juifs. Antiochus Epiphane prend Jérusalem et interrompt le culte des sacrifices. - 2-3. Persécution religieuse. Soulèvement de Mattathias. - 4-6. Exploits et mort de Judas Macchabée.
    1[12]. [31] La discorde s'éleva parmi les notables juifs, dans le temps où Antiochus Épiphane disputait la Cœlé-Syrie  à Ptolémée, sixième du nom. C'était une querelle d'ambition et de pouvoir, aucun des personnages de marque ne pouvant souffrir d’être subordonné à ses égaux. Onias, un des grands-prêtres, prit le dessus et chassa de la ville les fils de Tobie : ceux-ci se réfugièrent auprès d’Antiochus et le supplièrent de les prendre pour guides et d'envahir la Judée. Le roi, qui depuis longtemps penchait vers ce dessein, se laisse persuader et, à la tête d'une forte armée, se met en marcheet prend d'assaut la ville[13] ; il y tue un grand nombre des partisans de Ptolémée, livre la ville sans restriction au pillage de ses soldats, et lui-même dépouille le Temple et interrompt durant trois ans et six mois la célébration solennelle des sacrifices quotidiens[14]. Quant au grand-prêtre Onias, réfugié auprès de Ptolémée, il reçut de ce prince un territoire dans le nome d'Héliopolis : là il bâtit une petite ville le plan de Jérusalem et un temple semblable au notre ; nous reparlerons de ces évènements en temps et lieu[15].
    2. [34] Antiochus ne se contenta pas d'avoir pris la ville contre toute espérance, pillé et massacré à plaisir ; entraîné par la violence de ses passions, par le souvenir des souffrances qu'il avait endurées pendant le siège, il contraignit les Juifs, au mépris de leurs lois nationales, à laisser leurs enfants incirconcis et à sacrifier des porcs sur l'autel. Tous désobéissaient à ces prescriptions, et les plus illustres furent égorgés. Bacchidès, qu’Antiochus avait envoyé comme gouverneur militaire[16], exagérait encore par cruauté naturelle les ordres impies du prince ; il ne s’interdit aucun excès d'illégalité, outrageant individuellement les citoyens notables et faisant voir chaque jour à la nation toute entière l'image d'une ville captive, jusqu'à ce qu'enfin l'excès même de ses crimes excitât ses victimes à oser se défendre.
    3[17]. [36] Un prêtre, Matthias[18], fils d'Asamonée, du bourg de Modéin, prit les armes avec sa propre famille, - il avait cinq fils - et tua Bacchidès[19] à coups de poignard ; puis aussitôt, craignant la multitude des garnisons ennemies,il s'enfuit dans la montagne[20]. Là beaucoup de gens du peuple se joignirent à lui ; il reprit confiance, redescendit dans la plaine, engagea le combat, et battit les généraux d'Antiochus, qu'il chassa de la Judée. Ce succès établit sa puissance ; reconnaissants de l'expulsion des étrangers, ses concitoyens l'élevèrent au principat ; il mourut en laissant le pouvoir a Judas, l'aîné de ses fils[21].
    4[22]. [38] Celui ci, présumant qu'Antiochus ne resterait pas en repos, recruta des troupes parmi ses compatriotes. Et, le premier de sa nation, fit alliance avec les Romains[23]. Quand Epiphane envahit de nouveau le territoire juif[24], il le repoussa en lui infligeant 1111 grave échec. Dans la chaleur de sa victoire, il s'élança ensuite contre la garnison de la ville qui n'avait pas encore été expulsée. Chassant les soldats étrangers de la ville haute, il les refoula dans la ville basse, dans celte partie de Jérusalem qu'on nommait Acra. Devenu maître du sanctuaire, il en purifia tout l'emplacement, l'entoura de murailles, fit fabriquer de nouveaux vases sacrés et les introduisit dans le temple, pour remplacer ceux qui avaient été souillés, éleva un autre autel et recommença les sacrifices expiatoires[25], Tandis que Jérusalem reprenait ainsi sa constitution sacrée, Antiochus mourut ; son fils Antiochus hérita de son royaume et de sa haine contre les Juifs[26].
    5[27]. [41] Ayant donc réuni cinquante mille fantassins, environ cinq mille cavaliers et quatre-vingts éléphants[28],il s'élance à travers la Judée vers les montagnes. Il prit la petite ville de Bethsoura[29], mais près du lieu appelé Bethzacharia, où l'on accède par un défilé étroit, Judas, avec toutes ses forces, s'opposa à sa marche. Avant même que les phalanges eussent pris contact, Éléazar, frère de Judas, apercevant un éléphant, plus haut que tous les autres, portant une vaste tour et une armure dorée, supposa qu'il était monté par Antiochus lui-même ; il s'élance bien loin devant ses compagnons, fend la presse des ennemis, parvient jusqu'à l'éléphant ; mais comme il ne pouvait atteindre, en raison de la hauteur, celui qu'il croyait être le roi, il frappa la bête sous le ventre, fit écrouler sur lui cette masse et mourut écrasé. Il n'avait réussi qu'à tenter une grande action et à sacrifier la vie à la gloire, car celui qui montait l'éléphant était un simple particulier ; eût-il été Antiochus, l'auteur de cette audacieuse prouesse n'y eût gagné que de paraître chercher la mort dans la seule espérance d'un brillant succès. Le frère d'Éléazar vit dans cet événement le présage de l'issue du combat tout entier. Les Juifs, en effet, combattirent avec courage et acharnement ; mais l'armée royale, supérieure en nombre et favorisée par la fortune, finit par l’emporter ; après avoir vu tomber un grand nombre des siens, Judas s'enfuit avec le reste dans la préfecture de Gophna[30], Quant à Antiochus, il se dirigea vers Jérusalem, y resta quelques jours, puis s'éloigna à, cause de la rareté des vivres, laissant dans la ville une garnison qu'il jugea suffisante, et emmenant le reste de ses troupes hiverner en Syrie.
    6[31]. [47] Après la retraite du roi, Judas ne resta pas inactif; rejoint par de nombreuses recrues de sa nation, il t'allia les soldats échappés à la défaite, et livra bataille près du bourg d'Adasa aux généraux d'Antiochus[32]. Il fit, dans le combat, des prodiges de valeur, tua un grand nombre d'ennemis, mais périt lui-même[33]. Peu de jours après, son frère Jean tomba dans une embuscade des partisans d'Antiochus et périt également[34].
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    Message  Arlitto Mer 18 Nov 2020 - 19:04

    XIII

    1. Le Parthes en Syrie. - 2-3. Pacoros attaque Jérusalem. - 4-5. Capture de Phasaël et d'Hyrcan. – 6-8 Fuite d'Hérode. – 9-11. Restauration d'Antigone. Mort de Phasaël.



    1[128]. [248] Deux ans après[129], Barzapharnès, satrape des Parthes, occupa la Syrie avec Pacoros, fils du roi. Lysanias, qui avait hérité du royaume de son père Ptolémée, fils de Mennaios, persuada le satrape, en lui promettant mille talents et cinq cents femmes, de ramener sur le trône Antigone et de déposer Hyrcan[130]. Gagné par ces promesses, Pacoros lui-même s'avança le long du littoral et enjoignit à Barzapharnès de faire route par l'intérieur des terres. Parmi les populations côtières, Tyr refusa le passage à Pacoros, alors que Ptolémaïs et Sidon lui avaient fait bon accueil. Alors le prince confia une partie de sa cavalerie à un échanson du palais qui portait le même nom que lui, et lui ordonna d'envahir la Judée pour observer l'ennemi et soutenir Antigone au besoin.



    2. [250] Comme ces cavaliers ravageaient le Carmel, un grand nombre de Juifs se rallièrent à Antigone et se montrèrent pleins d'ardeur pour l'invasion. Antigone les dirigea vers le lieu appelé Drymos (la Chênaie)[131] dont ils devaient s'emparer. Ils y livrèrent bataille, repoussèrent les ennemis, les poursuivirent jusqu'à Jérusalem et, grossissant leurs rangs, parvinrent jusqu'au palais. Hyrcan[132]  et Phasaël les y reçurent avec une forte troupe. La lutte s'engagea sur l'agora ; Hérode mit en fuite les ennemis, les cerna dans le Temple et établit dans les maisons voisines un poste de soixante hommes pour les surveiller. Mais le peuple, soulevé contre les deux frères attaqua cette garnison et la fit périr dans les flammes. Hérode, exaspéré de cette perte, se vengea en chargeant le peuple et tuant un grand nombre de citoyens. Tous les jours de petits partis se ruaient les uns sur les autres : c'était une tuerie continuelle.



    3. [253] Comme la fête de la Pentecôte approchait, tous les lieux voisins du Temple et la ville entière se remplirent d'une foule de gens de la campagne, armés pour la plupart. Phasaël défendait les murailles ; Hérode, avec peu de soldats, le palais. Il fit une sortie vers le faubourg contre la multitude désordonnée des ennemis, en tua un grand nombre, les mit tous en fuite et les rejeta les uns dans la ville, d'autres dans le Temple, d'autres dans le camp fortifié loin des murs. Là-dessus Antigone demanda que l'on introduisit Pacoros[133] comme médiateur de la paix. Phasaël, se laissant persuader, reçut le Parthe dans la ville et lui donna l'hospitalité. Accompagné de cinq cents cavaliers, il se présentait sous prétexte de mettre un terme aux factions, mais en réalité pour aider Antigone. Ses manœuvres perfides décidèrent Phasaël à se rendre auprès de Barzapharnès pour terminer la guerre, bien qu'Hérode l'en détournât avec insistance et l'engageât à tuer ce traître, au lieu de se livrer à ses ruses, car la perfidie, disait-il, est naturelle aux barbares. Cependant Pacoros, pour détourner le soupçon, partit aussi, emmenant avec lui Hyrcan et laissant auprès d'Hérode quelques-uns de ces cavaliers que les Parthes appellent Eleuthères (Libres)[134] ; avec le reste il escortait Phasaël.



    4. [256] Arrivés en Gaulée, ils trouvèrent les indigènes en pleine défection et en armes : ils se présentèrent au satrape[135], qui dissimula adroitement sous la bienveillance la trame qu'il préparait : il leur donna des présents, puis, quand ils s’éloignèrent, leur dressa une embuscade. Ils connurent le piège où ils étaient tombés lorsqu'ils se virent emmener dans une place maritime, nommée Ecdippa. Là ils apprirent la promesse faite à Pacoros de mille talents, et que, parmi ce tribut de cinq cents femmes qu’Antigone consacrait aux Parthes, se trouvaient la plupart des leurs ; que les barbares surveillaient sans cesse leurs nuits ; enfin qu'on les aurait déjà arrêtés depuis longtemps si l'on n'avait préféré attendre qu'Hérode fût pris à Jérusalem, pour éviter que la nouvelle de leur capture ne le mît sur ses gardes. Ce n'étaient déjà plus de vaines conjectures : déjà ils pouvaient voir des sentinelles qui les gardaient à quelque distance.



    5. [259] Un certain Ophellias, que Saramalla, le plus riche Syrien de ce temps, avait informé de tout le plan du complot, insistait vivement auprès de Phasaël pour qu'il prit la fuite ; mais celui-ci se refusait obstinément à abandonner Hyrcan. Il alla trouver le satrape et lui reprocha en face sa perfidie, le blâmant surtout d'agir ainsi par cupidité ; il s'engageait d'ailleurs à lui donner plus d'argent pour son salut qu'Antigone ne lui en avait promis pour sa restauration. Le Parthe répondit habilement et s'efforça de dissiper les soupçons par des protestations et des serments ; puis il se rendit auprès de Pacoros[136]. Bientôt après les Parthes, qu'on avait laissés auprès de Phasaël et d'Hyrcan, les arrêtèrent comme ils en avaient l'ordre ; les prisonniers les accablèrent de malédictions, flétrissant le parjure et la perfidie dont ils étaient victimes.



    6. [261] Cependant l'échanson (Pacoros) envoyé contre Hérode s'ingéniait à l'attirer par ruse hors du palais, pour s'emparer de lui comme il en avait reçu l'ordre. Hérode, qui dès l'abord se défiait des Barbares, avait encore appris que des lettres, qui lui donnaient avis de leur complot, étaient tombées aux mains des ennemis ; il se refusait donc à sortir, malgré les assurances spécieuses de Pacoros, qui le pressait d'aller à la rencontre de ses messagers ; car les lettres, disait-il, n'avaient pas été prises par les ennemis, elles ne parlaient pas de trahison, mais elles devaient le renseigner sur tout ce qu'avait fait Phasaël. Mais Hérode avait appris d'une autre source la captivité de son frère, et Mariamme, la fille  d'Hyrcan[137], la plus avisée des femmes, se rendit près de lui, pour le supplier de ne pas sortir ni de se fier aux Barbares, qui déjà machinaient ouvertement sa perte.



    7. [263] Pendant que Pacoros et ses complices délibéraient encore comment ils exécuteraient secrètement leur complot, car il n'était pas possible de triompher ouvertement d'un homme aussi avisé, Hérode prit les devants, et, accompagné des personnes qui lui étaient les plus proches, partit de nuit, à l'insu des ennemis, pour l'Idumée. Les Parthes, s'étant aperçus de sa fuite, se lancèrent à sa poursuite. Hérode mit en route sa mère, ses sœurs, [137a] sa fiancée, avec la mère de sa fiancée et son plus jeune frère[138] ; lui-même avec ses serviteurs, par d'habiles dispositions, repoussa les Barbares, en tua un grand nombre dans leurs diverses attaques et gagna ainsi la forteresse de Masada.



    8. [265] Il trouva dans cette fuite les Juifs plus incommodes que les Barbares, car ils le harcelèrent continuellement, et à soixante stades de Jérusalem lui présentèrent même le combat, qui dura assez longtemps. Hérode fut vainqueur et en tua beaucoup ; plus tard, en souvenir de sa victoire, il fonda une ville en ce lieu, l'orna de palais somptueux, y éleva une très forte citadelle et l'appela de son propre nom Hérodion. Cependant, au cours de sa fuite, il voyait chaque jour un grand nombre de partisans se joindre à lui. Arrivé à Thrésa, en Idumée, son frère Joseph le rejoignit et lui conseilla de se décharger de la plupart de ses compagnons, car Masada ne pouvait recevoir une telle multitude ; ils étaient, en effet, plus de neuf mille. Hérode se rangea à cet avis et dispersa à travers l'Idumée, après leur avoir donné un viatique, les hommes plus encombrants qu'utiles puis, gardant auprès de lui les plus robustes et les plus chéris, il se jeta dans la place. Après y avoir laissé huit cents hommes pour garder les femmes et des vivres suffisants pour soutenir un siège, lui-même gagna à marches forcées Pétra, en Arabie.



    9. [268] Cependant les Parthes, restés à Jérusalem, se livrèrent au pillage ; ils envahirent les maisons des fugitifs et le palais, n'épargnant que les richesses d'Hyrcan, qui ne dépassaient pas trois cents talents ; ils ne trouvèrent pas chez les autres autant qu'ils espéraient, car Hérode, perçant depuis longtemps la perfidie des Barbares, avait fait transporter en Idumée ses trésors les plus précieux, et chacun de ses amis en avait fait autant. Après le pillage, l'insolence des Parthes dépassa toute mesure : ils déchaînèrent sur tout le pays les horreurs de la guerre, sans l'avoir déclarée. Ils ruinèrent de fond en comble la ville de Marisa, et, non contents d'établir Antigone sur le trône, ils livrèrent à ses outrages Phasaël et Hyrcan enchaînés. Antigone, quand Hyrcan se jeta à ses pieds, lui déchira lui-même les oreilles avec ses dents[139], pour empêcher que jamais, même si une révolution lui rendait la liberté [139a], il pût recouvrer le sacerdoce suprême ; car nul ne peut être grand-prêtre s'il n'est exempt de tout défaut corporel.



    10. [271] Quant à Phasaël, son courage rendit vaine la cruauté du roi, car il la prévint en se brisant la tête contre une pierre, n'ayant à sa disposition ni ses bras ni un fer. Il mourut ainsi en héros, se montrant le digne frère d'Hérode et fit ressortir la bassesse d'Hyrcan : fin digne des actions qui avaient rempli sa vie. D'après une autre version, Phasaël se serait remis de sa blessure, mais un médecin envoyé par Antigone, sous prétexte de le soigner, appliqua sur la plaie des médicaments toxiques et le fit ainsi périr. Quelque récit qu'on préfère, la cause de la mort n'en est pas moins glorieuse, On dit encore qu’avant d'expirer, il apprit d'une femme qu'Hérode s'était sauvé. « Maintenant, dit-il, je partirai avec joie, puisque je laisse vivant un vengeur pour punir mes ennemis ».



    11. [273] Ainsi mourut Phasaël. Les Parthes, quoique déçus dans leur plus vif désir, celui de ravir des femmes, n'en installèrent pas moins Antigone comme maître à Jérusalem, et emmenèrent Hyrcan prisonnier en Parthyène.

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    Message  Arlitto Mer 18 Nov 2020 - 19:04

    XIV

    1-3. Hérode, repoussé par le roi des Arabes Malichos, traverse l’Égypte et Rhodes et se rend à Rome. – 4. Antoine fait déclarer Hérode roi des Juifs par le Sénat.



    1[140]. [274] Cependant Hérode hâtait sa marche vers l'Arabie, croyant son frère encore vivant et pressé d'obtenir de l'argent du roi, seul moyen de sauver Phasaël en flattant la cupidité des Barbares. Au cas ou l'Arabe, oubliant l'amitié qui l'unissait au père d’Hérode, lui refuserait par avarice un présent, il comptait du moins se faire payer le prix de la rançon, en laissant comme otage le fils du prisonnier : car il emmenait avec lui son neveu, enfant de sept ans. Il était d'ailleurs prêt à donner jusqu’à trois cents talents, en invoquant la caution des Tyriens qui s'offraient. Mais la destinée prévint son zèle, et la mort de Phasaël rendit vaine l'affection fraternelle d'Hérode. Au reste, il ne trouva pas chez les Arabes d'amitié durable. Leur roi Malichos envoya au plus vite des messagers pour lui enjoindre de quitter son territoire, sous prétexte que les Parthes lui avaient mandé par héraut d'expulser Hérode de l'Arabie : en fait, il préférait ne pas s'acquitter des obligations qu’il avait contractées envers Antipater et se refusait décidément à fournir, en échange de tant de bienfaits, la moindre somme à ses fils malheureux. Ceux qui lui conseillèrent cette impudente conduite voulaient également détourner les dépôts confiés à eux par Antipater, et c’étaient les personnages les plus considérables de sa cour.



    2. [277] Hérode, trouvant les Arabes hostiles pour les raisons mêmes qui lui avaient fait espérer leur dévouement, donna aux envoyés la réponse que lui dicta sa colère et se détourna vers l'Égypte. Le premier soir, il campa dans un temple indigène, où il rallia ceux de ses compagnons qu'il avait laissés en arrière ; le lendemain, il parvint à Rhinocouroura et y reçut la nouvelle de la mort de son frère. Il accorda le temps nécessaire à sa douleur, puis, secouant ses préoccupations[141], reprit sa marche. Le roi des Arabes, se repentant un peu tard, envoya en hâte des messagers pour rappeler celui qu'il avait offensé. Mais Hérode, les devançant, était déjà arrivé à Péluse. Là il se vit refuser le trajet par les navires qui stationnaient dans le port. Il alla donc trouver les commandants de la place, qui, en considération de sa renommée et de sa valeur, l'accompagnèrent jusqu'à Alexandrie. Arrivé dans cette ville, Cléopâtre le reçut avec éclat, espérant lui confier le commandement d'une expédition qu'elle préparait : mais il éluda les offres de la reine et, sans considérer la rigueur de l'hiver ni les troubles d'Italie. il s'embarqua pour Rome.



    3. [280] Il faillit faire naufrage sur les côtes de Pamphylie ; à grand-peine, après avoir jeté la plus grande partie de la cargaison, il put trouver un refuge dans l’île de Rhodes, fortement éprouvée par la guerre contre Cassius. Accueilli par ses amis Ptolémée et Sapphinias, il se fit construire[142], malgré son dénuement, une très grande trirème. C'est sur ce bâtiment qu'il se rendit avec ses amis à Brindes, d'où il se hâta vers Rome. Il alla d'abord voir Antoine, confiant dans l'amitié qui l'unissait à son propre père ; il lui raconta ses malheurs et ceux de sa famille, et comment il avait laissé ses plus chers amis assiégés dans une citadelle, pour traverser la mer en plein hiver et venir se jeter à ses pieds.



    4. [282] Antoine fut touché de compassion au récit de ces vicissitudes ; le souvenir de la généreuse hospitalité d'Antipater, et, en général, le mérite du suppliant lui-même lui inspirèrent la résolution d'établir roi des Juifs celui qu'il avait auparavant lui-même fait tétrarque. Autant que son estime pour Hérode, il écouta sa haine contre Antigone, qu'il considérait comme un fauteur de troubles et un ennemi de Rome. Il trouva César encore mieux disposé que lui ; ce dernier rappelait à sa mémoire les campagnes d'Egypte, dont Antipater avait partagé les fatigues avec son père, l’hospitalité et les continuelles marques d'amitié que celui-ci en avait reçues ; il considérait aussi le caractère entreprenant d'Hérode. Il[143] rassembla donc le Sénat, auquel Messala et après lui Atratinus présentèrent Hérode : ils exposèrent les services rendus par son père, la bienveillance du fils envers les Romains et dénoncèrent l'hostilité d'Antigone ; elle s'était déjà montrée à la promptitude avec laquelle il leur avait cherché querelle, mais plus encore à ce moment même, quand il prenait le pouvoir avec l'appui des Parthes, au mépris du nom romain. A ces paroles, le Sénat s'émut, et quand Antoine s'avança pour dire qu'en vue même de la guerre coutre les Parthes, il était avantageux qu'Hérode fût roi, tous votèrent dans ce sens. Le Sénat se sépara, et Antoine et César sortirent ayant Hérode entre eux ; les consuls et les autres magistrats les précédèrent au Capitole pour sacrifier et y consacrer le sénatus-consulte. Le premier jour du règne d'Hérode, Antoine lui offrit à dîner[144] .

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    Message  Arlitto Mer 18 Nov 2020 - 19:05

    XV
    1. Siège de Masada par Antigone. – 2. Ventidius et Silo en Syrie. – 3-4. Arrivée d’Hérode. Prise de Joppé : délivrance de Masada. – 5-6. Siège de Jérusalem par Hérode et Silo.

    1[145]. [286] Pendant ce temps. Antigone assiégeait les réfugiés de Masada. Bien pourvus de tout le reste, l'eau leur faisait défaut. Aussi Joseph, frère d'Hérode, résolut-il de fuir, avec deux cents compagnons, chez les Arabes, apprenant que Malichos s’était repenti de son injuste conduite à l'égard d'Hérode. Au moment où il allait quitter la place, la nuit même du départ, la pluie tomba en abondance ; les citernes se trouvèrent remplies, et Joseph ne jugea plus la fuite nécessaire. Dés ce moment la garnison prit l’offensive contre les soldats d'Antigone et, soit à découvert soit dans des embuscades, en tua un très grand nombre. Toutefois ses sorties ne furent pas toujours heureuses ; plus d'une fois, elle fut battue et repoussée.

    2. [288] A ce moment Ventidius, général romain, qui avait été envoyé pour chasser les Parthes de Syrie, passa à leur poursuite en Judée, sous prétexte de secourir Joseph et sa troupe, mais en réalité pour tirer de l'argent d'Antigone. Il campa donc tout prés de Jérusalem et, quand il fut gorgé d'or, partit en personne avec la plus grande partie de son armée, laissant derrière lui Silo et quelques troupes ; il eût craint, en les emmenant toutes, de mettre son trafic en évidence, de son côté, Antigone, espérant que les Parthes lui fourniraient encore des secours, continuait néanmoins à flatter Silo, pour l'empêcher de déranger ses affaires.

    3. [290] Mais déjà Hérode, après avoir navigué d'Italie à Ptolémaïs et rassemblé une armée assez considérable de compatriotes et d'étrangers, s'avançait contre Antigone à travers la Galilée, aidé de Ventidius et de Silo, que Dellius, envoyé par Antoine, avait décidés à ramener Hérode. Ventidius était alors occupé à pacifier les villes troublées par les Parthes ; Silo séjournait en Judée, ou. il se laissait corrompre par Antigone. Cependant les forces d'Hérode n'étaient pas médiocres ; à mesure qu'il s'avançait, il voyait augmenter journellement l'effectif de son armée; toute la Galilée, à peu d'exceptions près, se joignit à lui. L’entreprise la plus pressante était celle de Masada, dont il devait avant tout faire lever le siège pour sauver ses proches ; mais on était arrêté par l'obstacle de Joppé. Cette ville était hostile, et il fallait d'abord l'enlever pour ne pas laisser derrière soi, en marchant sur Jérusalem, une place d'armes aux ennemis. Silo se joignit volontiers à Hérode, ayant trouvé là un prétexte à sa défection, mais les Juifs le poursuivirent et le serrèrent de près. Hérode avec une petite troupe court les attaquer et les met bientôt en fuite, sauvant Silo, qui se trouvait en mauvaise posture.

    4. [293] Ensuite il s'empara de Joppé et se dirigea à marches forcées vers Masada pour sauver ses amis. Les indigènes venaient à lui, entraînés les uns par un vieil attachement à son père, d'autres par sa propre renommée, d'autres encore par la reconnaissance pour les services du père et du fils, le plus grand nombre par l'espérance qui s'attachait à un roi d'une autorité déjà assurée ; c'est ainsi que s'assemblait une armée difficile à battre [145a]. Antigone essaya de l'arrêter dans sa marche en plaçant des embuscades aux passages favorables, mais elles ne causaient aux ennemis que peu ou point de dommage. Hérode recouvra sans difficulté ses amis de Masada et la forteresse de Thrésa, puis marcha sur Jérusalem : il fut rejoint par le corps de Silo et par un grand nombre de citoyens de la ville, qu'effrayait la force de son armée.

    5. [295] Il posta son camp sur le flanc ouest de la ville. Les gardes placés de ce côté le harcelèrent à coups de flèches et de javelots, tandis que d'autres, formés en pelotons, dirigeaient de brusques sorties contre ses avant-postes. Tout d'abord, Hérode fit promener un héraut autour murailles, proclamant qu'il venait pour le bien du peuple et le salut de la cité, qu'il ne se vengerait pas même de ses ennemis déclarés et qu'il accorderait l'amnistie aux plus hostiles. Mais comme les exhortations contraires des amis d'Antigone empêchaient les gens d'entendre les proclamations et de changer de sentiment, Hérode ordonna à ses soldats de combattre les ennemis qui occupaient les murailles ; en conséquence ils tirèrent sur eux et les chassèrent bientôt tous de leurs tours.

    6. [297] C'est alors que Silo montra bien qu'il s'était laissé corrompre. A son instigation, un grand nombre de soldats se plaignirent à grands cris de manquer du nécessaire ; ils réclamaient de l'argent pour acheter des vivres et demandaient qu'on les emmenât prendre leurs quartiers d'hiver dans des endroits favorables, car les environs de la ville étaient vidés par les troupes d'Antigone qui s'y étaient déjà approvisionnées. Là-dessus il mit son camp en mouvement et fit mine de se retirer. Hérode alla trouver les chefs, placés sous les ordres de Silo, et aussi les soldats en corps, les suppliant de ne pas l'abandonner, lui que patronnaient César, Antoine et le Sénat : il ferait, dés ce jour même, cesser la disette. Après ces prières, il se mit lui-même en campagne dans le plat pays et ramena une assez grande abondance de vivres pour couper tout prétexte à Silo ; puis, voulant pour l'avenir assurer le ravitaillement, il manda aux habitants de Samarie, qui s’étaient déclarés pour lui, de conduire à Jéricho du blé, du vin, de l'huile et du bétail. A cette nouvelle, Antigone envoya dans le pays des messagers pour répandre l'ordre d'arrêter les convoyeurs et de leur tendre des embûches. Les habitants obéirent, et une grosse  troupe d'hommes en armes se rassembla au-dessus de Jéricho ; ils se postèrent sur les montagnes, guettant les convois de vivres. Cependant Hérode ne restait pas inactif : il prit dix cohortes, dont cinq de Romains et cinq de Juifs, mêlées de mercenaires, avec un petit nombre de cavaliers ; à la tête de ce détachement il marcha sur Jéricho. Il trouva la ville abandonnée et les hauteurs [145b] occupées par cinq cents hommes avec leurs femmes et leurs enfants, il les fit prisonniers, puis les renvoya, tandis que les Romains envahissaient et pillaient le reste de la ville, ou ils trouvèrent des maisons remplies de toutes sortes de biens. Le roi revint, laissant une garnison à Jéricho ; il envoya l'armée romaine prendre ses quartiers d'hiver dans des contrées dont il avait reçu la soumission, Idumée, Galilée, Samarie. Ce son côté, Antigone obtint, en achetant Silo, de pouvoir loger une partie de l'armée romaine à Lydda ; il faisait ainsi sa cour à Antoine.
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    Message  Arlitto Mer 18 Nov 2020 - 19:05

    XVI
    1-3. Campagne d’Hérode en Idumée et en Galilée pendant l’hiver ; défaite des brigands à Arbèles. - 4. Extermination des brigands des cavernes. – 5. Nouveau soulèvement et châtiment de la Galilée. – 6. Machacras en Judée, son attitude équivoque. – 7. Hérode secourt Antoine au siège de Samosate.
    1[146]. [303] Pendant que les Romains vivaient dans l'abondance et l'inaction, Hérode, toujours actif, occupait I'Idumée avec deux mille fantassins et quatre cents cavaliers, qu'il y envoyait sous son frère Joseph, pour prévenir toute nouvelle tentative en faveur d'Antigone. Lui-même cependant installait à Samarie sa mère et ses autres parents, qu'il avait emmenés de Masada ; quand il eut pourvu à leur sûreté, il partit pour s'emparer des dernières forteresses de Galilée et en chasser les garnisons d'Antigone.
    2. [304] Il arriva, malgré de violentes chutes de neige, devant Sepphoris et occupa la ville sans combat, la garnison s'étant enfuie avant l'attaque. Là il laissa se refaire ses soldats, que l'hiver avait éprouvés, car il y trouva des vivres en abondance. Puis il partit relancer les brigands des cavernes, qui, ravageant une grande partie de la contrée, maltraitaient les habitants autant que la guerre même. Il envoya en avant trois bataillons d’infanterie et un escadron de cavalerie au bourg d'Arbèles ; lui-même les y rejoignit le quarantième jour avec le reste de ses forces. Les ennemis ne se dérobèrent pas à l'attaque ; ils marchèrent en armes à sa rencontre, joignant à l'expérience de la guerre l'audace des brigands. Ils engagèrent donc la lutte et avec leur aile droite mirent en déroute l'aile gauche d'Hérode ; mais lui, pivotant vivement avec son aile droite qu'il commandait en personne, vint porter secours aux siens : non seulement il arrêta la fuite de ses propres troupes, mais il s'élança encore contre ceux qui les poursuivaient et contint leur élan jusqu'au moment où ils cédèrent aux attaques de front et prirent la fuite.
    3. [307] Hérode les poursuivit, en les massacrant, jusqu'au Jourdain ; un grand nombre périt, le reste se dispersa au delà du fleuve. Ainsi la Galilée fut délivrée de ses terreurs, sauf toutefois les brigands qui restaient blottis dans les cavernes et dont la destruction demanda du temps. Hérode accorda donc d'abord à ses soldats le fruit de leurs peines, distribuant à chacun d'eux cent cinquante drachmes d'argent et aux officiers une somme beaucoup plus considérable ; puis il les envoya dans leurs quartiers d'hiver. Il ordonna à Phéroras, le plus jeune de ses frères, de pourvoir à leur approvisionnement[147] et de fortifier Alexandreion[148], Phéroras s'acquitta de cette double tâche.
    4. [309] Dans le même temps, Antoine séjournait à Athènes[149], et Ventidius manda Silo et Hérode auprès de lui pour le seconder dans la guerre contre les Parthes, les invitant à régler d'abord les affaires de Judée. Hérode, sans se faire prier, lui envoya Silo, mais lui-même se mit en campagne contre les brigands des cavernes. Ces cavernes étaient situées sur le flanc de montagnes escarpées, inabordables de toutes parts, n'offrant d'accès que par des sentiers étroits et tortueux ; de front la roche plongeait dans des gorges profondes, dressant ses pentes abruptes et ravinées. Longtemps le roi fut paralysé à la vue de ces difficultés du terrain : enfin il imagina un stratagème très hasardeux. Il plaça ses soldats les plus vigoureux dans des coffres, qu'il fit descendre d'en haut à l'aide de cordes et amena à l'entrée des Cavernes ; ceux-ci massacraient alors les brigands et leurs enfants et lançaient des brandons enflammés contre ceux qui se défendaient. Hérode, voulant en sauver quelques-uns, les invita par la voix d'un héraut à se rendre auprès de lui. Aucun n'obéit de son propre gré[150], et parmi ceux qui y furent contraints, beaucoup préférèrent la mort à la captivité. C’est là qu'ou vit un vieillard, père de sept enfants, tuer ses fils qui, avec leur mère, le priaient de les laisser sortir et se rendre à merci ;  il les fit avancer, l'un après l'autre, et, se tenant à l'entrée, les égorgea un à un. Du haut d'une éminence, Hérode contemplait cette scène, profondément remué, et tendait la main vers le vieillard pour le conjurer d'épargner ses enfants mais celui-ci, sans s'émouvoir en rien de ces paroles, invectivant même l'ignoble naissance d'Hérode, tua, après ses fils, sa femme, jeta les cadavres dans le précipice et finalement s'y lança lui-même.
    5. [314] Hérode se rendit ainsi maître des cavernes et de leurs habitants. Après avoir laissé (en Galilée) sous les ordres de Ptolémée un détachement suffisant, à son avis, pour réprimer des séditions, il retourna vers Samarie, menant contre Antigone trois mille hoplites et six cents cavaliers. Alors, profitant de son absence, les fauteurs ordinaires de troubles en Galilée attaquèrent à l'improviste le général Ptolémée et le tuèrent. Ensuite ils ravagèrent la contrée, trouvant un refuge dans les marais et les places d'un accès difficile. A la nouvelle de ce soulèvement, Hérode revint en hâte à la rescousse ; il massacra un grand nombre des rebelles, assiégea et prit toutes les forteresses et imposa aux villes une contribution de cent talents pour les punir de cette défection.
    6. [317] Cependant quand les Parthes eurent été chassés et Pacoros tué[151], Ventidius, suivant les ordres d'Antoine, envoya comme auxiliaires à Hérode, pour les opposer à Antigone, mille chevaux et deux légions ; leur chef était Machæras. Antigone écrivit lettres sur lettres à ce général, le suppliant de l'aider plutôt lui-même, ajoutant force plaintes sur la violence d'Hérode et les dommages qu'il causait au royaume ; il y joignait des promesses d'argent. Machæras n'osait pas mépriser ses instructions, et d'ailleurs Hérode lui donnait d’avantage ; aussi ne se laissa-t-il pas gagner à la trahison[152] ; toutefois, feignant l'amitié, il alla observer la situation d'Antigone, sans écouter Hérode, qui l'en détournait. Or Antigone, qui avait deviné ses intentions, lui interdit l'entrée de la ville et du haut des murs le fit repousser comme un ennemi. Enfin, Machæras, tout confus, se retira à Emmaüs, auprès d'Hérode ; rendu furieux par sa déconvenue, il tua sur son chemin tous les Juifs qu'il rencontrait, sans même épargner les Hérodiens, mais les traitant tous comme s'ils appartenaient à la faction d'Antigone.
    7. [320] Hérode, fort mécontent, s'élança d'abord pour attaquer Machæras comme un ennemi, mais il maîtrisa sa colère et se rendit auprès d'Antoine pour dénoncer les procédés injustes de ce personnage. Celui-ci, ayant réfléchi sur ses fautes, courut après le roi et, à force de prières, réussit à se réconcilier avec lui. Hérode n'en continua pas moins son voyage auprès d'Antoine. Apprenant que ce général assiégeait avec des forces considérables Samosate, importante place voisine de l'Euphrate, il pressa encore sa marche, voyant là une occasion favorable de montrer son courage et de se pousser dans l'amitié d'Antoine. Son arrivée amena le dénouement du siège ; il tua de nombreux ennemis et fit un butin considérable. De là deux résultats : Antoine, qui admirait depuis longtemps la valeur d'Hérode, s'affermit encore dans ce sentiment et accrut de toute manière ses honneurs et ses espérances de règne ; quant au roi Antiochus, il fut contraint de rendre Samosate.
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    Message  Arlitto Mer 18 Nov 2020 - 19:06

    XVII

    1-2. Défaite et mort de Joseph, frère d’Hérode, près de Jéricho. Défections en Galilée et en Idumée. – 3-4. Retour d’Hérode en Palestine. Incident à Jéricho. – 5-6. Victoire d’Hérode à Cana (ou Isana) ; mort de Pappos. – 8 Hérode assiège Jérusalem. Ses noces avec Mariamme. – 9. Sosius rejoint Hérode devant Jérusalem.



    1[153]. [323] Pendant cette expédition, les affaires d'Hérode subirent un grave échec en Judée. Il y avait laissé son frère Joseph avec de pleins pouvoirs, mais en lui recommandant de ne rien entreprendre contre Antigone jusqu'à sou retour : car Machæras, à en juger d'après sa conduite passée, n'était pas un allié sûr. Mais Joseph, dès qu'il sut son frère assez loin, négligea cette recommandation et marcha vers Jéricho avec cinq cohortes que Machæras lui avait prêtées ; son objet était d'enlever le blé, car on était au fort de l'été. Sur la route il fut attaqué par les ennemis qui s'étaient postés au milieu des montagnes dans un terrain difficile ; il périt dans le combat après avoir montré une brillante valeur et tout le contingent romain fut détruit ; ces cohortes venaient d'être levées en Syrie, et on n’y avait pas mêlé de ces « vieux soldats », comme on les appelle, qui auraient pu secourir l'inexpérience des jeunes recrues[154].



    2. [325] Antigone ne se contenta pas de la victoire : il porta la fureur au point d'outrager Joseph même après sa mort. Comme les cadavres étaient restés en sa puissance, il fit couper la tête de Joseph, malgré la rançon de cinquante talents que Phéroras, frère du défunt, lui offrait pour la racheter. En Galilée, la victoire d’Antigone produisit un si grand bouleversement que ceux des notables qui favorisaient Hérode furent emmenés et noyés dans le lac (de Génésareth) par les partisans d'Antigone. Il y eut aussi de nombreuses défections en Idumée[155], où Machæras fortifiait à nouveau une place du nom de Gittha. De tout cela, Hérode ne savait encore rien. Antoine, après la prise de Samosate, avait établi Sossius gouverneur de Syrie ; il lui ordonna de secourir Hérode contre Antigone et s'en retourna de sa personne en Égypte[156]. Sossius envoya tout de suite deux légions pour seconder Hérode ; lui-même suivit de près avec le reste de ses troupes.



    3. [328] Tandis qu’Hérode était à Daphné, près d’Antioche, il eut un rêve qui lui annonçait clairement la mort de son frère. Il sauta tout troublé du lit au moment où entrèrent les messagers qui lui apprirent son malheur. La douleur lui arracha quelques gémissements, puis il ajourna la plupart des marques de deuil et se mit vivement en route contre ses ennemis. Marchant a étapes forcées, il arriva au Liban, où il s'adjoignit comme auxiliaires huit cents montagnards et rallia une légion romaine. Puis, sans attendre le jour[157], il envahit la Galilée et refoula les ennemis, qui s'opposèrent à sa marche, dans la forteresse qu'ils venaient de quitter. Il pressa la garnison par de fréquentes attaques, mais avant d'avoir pu la prendre, un orage terrible le força de camper dans les bourgades environnantes. Peu de jours après, la seconde légion prêtée par Antoine le rejoignit ; alors les ennemis, que sa puissance effrayait, évacuèrent nuitamment la forteresse.



    4. [331] Il continua sa marche rapide à travers Jéricho, ayant hâte de rejoindre les meurtriers de son frère. Dans cette ville il fut le héros d'une aventure providentielle : échappé à la mort  par miracle, il y acquit la réputation d'un favori de la divinité. En effet, comme ce soir-là un grand nombre de magistrats soupaient avec lui, au moment où le repas venait de se terminer et tous les convives de partir, soudain la salle s'écroula. Il vit là un présage à la fois de dangers et de salut pour la guerre future, et leva le camp dés l'aurore. Six mille ennemis environ, descendant des montagnes, escarmouchèrent avec son avant-garde. N'osant pas en venir aux mains avec les Romains, ils les attaquèrent de loin avec des pierres et des traits et leur blessèrent beaucoup de monde. Hérode lui-même, qui chevauchait devant le front des troupes, fut atteint d’un javelot au côté.



    5. [333] Antigone, voulant se donner l'apparence non seulement de l'audace, mais encore de la supériorité du nombre, envoya contre Samarie Pappos, un de ses familiers, à la tête d’un corps d’armée, avec la mission de combattre Machæras. Cependant Hérode fit une incursion dans le pays occupé par l'ennemi, détruisit cinq petites villes, y tua deux mille hommes et incendia les maisons ; puis il revint vers Pappos, qui campait près du bourg d'Isana [157a].



    6. [335] Tous les jours une foule de Juifs, venus de Jéricho même et du reste de la contrée, le rejoignaient, attirés à lui les uns par leur haine d'Antigone, les autres par les succès d'Hérode, la plupart par un amour aveugle du changement. Il brûlait de livrer bataille, et Pappos, à qui le nombre et l'ardeur de ses adversaires n'inspiraient aucune crainte, sortit volontiers à sa rencontre. Dans ce choc des deux armées, le gros des troupes ennemies résista quelque temps, mais Hérode, animé par le ressentiment[158] de la mort de son frère, ardent à se venger des auteurs du meurtre, culbuta rapidement les troupes qui lui faisaient face, et ensuite, tournant successivement ses efforts contre ceux qui résistaient encore, les mit tous en fuite. Il y eut un grand carnage, car les fuyards étaient refoulés dans la bourgade d'où ils étaient sortis, tandis qu'Hérode, tombant sur leurs derrières, les abattait en foule. Il les relança même à l'intérieur du village, où il trouva toutes les maisons garnies de soldats et les toits mêmes chargés de tireurs. Quand il en eut fini avec ceux qui luttaient dehors, Hérode, éventrant les habitations, en extrayait ceux qui s’y cachaient. Beaucoup périrent en masse sous les débris des toits qu'il fit effondrer ceux qui s'échappaient des ruines étaient reçus par les soldats à la pointe de l'épée : tel fut l'amoncellement des cadavres que les rues obstruées arrêtaient les vainqueurs. Les ennemis ne purent résister à ce coup : quand le gros de leur armée, enfin rallié, vit l'extermination des soldats du village, ils de dispersèrent. Enhardi  par ce succès, Hérode eut aussitôt marché sur Jérusalem, si une tempête d'une extrême violence ne l'en avait empêché. Cet accident ajourna la complète victoire d’Hérode et la défaite d'Antigone, qui songeait déjà à évacuer la capitale.



    7. [340] Le soir venu, Hérode congédia ses compagnons fatigués et les envoya réparer leurs forces : lui-même, encore tout chaud de la lutte, alla prendre son bain  comme un simple soldat, suivi d’un seul esclave. Au moment d'entrer dans la maison de bain, il vit courir devant lui un des ennemis, l'épée à la main, puis un second, un troisième, et plusieurs à la suite. C’étaient des hommes échappés au combat, qui s'étaient réfugiés, tout armés, dans les bains ; ils s'y étaient cachés et s’étaient dérobés jusque-là aux poursuites ;  quand ils aperçurent le roi, anéantis par l’effroi, ils passèrent près de lui, en tremblant, quoi qu'il fut sans armes, et se précipitèrent vers les issues. Le hasard fit que pas un soldat ne se trouva là pour les saisir. Hérode, trop heureux d’en être quitte pour la peur, les laissa tous se sauver.



    8. [342] Le lendemain, il lit couper la tête à Pappos, général d'Antigone, qui avait été tué dans le combat, et envoya cette tête à son frère Phéroras, comme prix du meurtre de leur frère : car c'était Pappos qui avait tué Joseph. Quand le mauvais temps fut passé[159], il se dirigea sur Jérusalem et conduisit son armée jusque sous les murs : il y avait alors trois ans qu’il avait été salué à Rome du nom de roi. Il posa son camp devant le Temple, seul côté par où la ville fut accessible ; c'est là que Pompée avait naguère dirigé son attaque quand il prit Jérusalem. Après avoir réparti son armée en trois corps [159a] et coupé tous les arbres des faubourgs : il ordonna d’élever trois terrasses et d’y dresser des tours ; il chargea ses lieutenants les plus actifs de diriger ces travaux, et lui-même s'en alla à Samarie, rejoindre la fille d'Alexandre, fils d'Aristobule, à qui, nous l'avons dit, il était fiancé. Il fit ainsi de son mariage un intermède du siège, tant il méprisait déjà ses adversaires.

    9. [345] Après ses noces, il retourna à Jérusalem avec des forces plus considérables encore.  Il fut rejoint par Sossius, avec une  forte armée d’infanterie et de cavalerie ;  il avait envoyé ces troupes en avant par l'intérieur, tandis que lui-même cheminait par la Phénicie. Quand furent concentrées toutes ses forces, qui comprenaient onze légions d’infanterie et six mille chevaux, sans compter les auxiliaires de Syrie, dont l’effectif était assez élevé, les deux chefs campèrent près du mur nord. Hérode mettait sa confiance dans les décisions du Sénat, qui l'avait proclamé roi, Sossius dans les sentiments d'Antoine, qui avait envoyé son aimée pour soutenir Hérode.

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    Message  Arlitto Mer 18 Nov 2020 - 19:06

    XVIII
    1. Siège de Jérusalem. – 2. Prise de la ville : massacre et pillage. – 3. Hérode rachète le Temple de la profanation ; supplice d’Antigone. – 4-5. Représailles d’Hérode. Exactions de Cléopâtre.

    1[160]. [347] La multitude des Juifs enfermés dans la ville était agitée en sens divers. Les plus faibles, agglomérés autour du Temple, se livraient à des transports mystiques et débitaient force discours prophétiques selon les circonstances[161] ; les plus hardis formaient des compagnies qui s’en allaient marauder : ils rançonnaient surtout les environs de la ville et ne laissaient de nourriture ni pour les hommes ni pour les chevaux[162]. Quant aux soldats, les plus disciplinés étaient employés à déjouer les attaques des assiégeants ; du haut de la muraille, ils écartaient les terrassiers et imaginaient toujours quelque nouvel engin pour combattre ceux de l'ennemi ; c'est surtout dans les travaux de mine qu’ils montraient leur supériorité.

    2. [349] Pour mettre fin aux déprédations des brigands, le roi organisa des embuscades, qui réussirent à déjouer leurs incursions : au manque de vivres il remédia par des convois amenés du dehors ; quant aux combattants ennemis, l’expérience militaire des Romains assurait Hérode l'avantage sur eux, encore que leur audace ne connût point de bornes. S'ils évitaient d'attaquer les Romains en face et de courir à une mort assurée[163], en revanche ils cheminaient par les galeries de mines et apparaissaient soudain au milieu même des assiégeants ; avant même qu’une partie de la muraille fût ébranlée, ils en élevaient une autre derrière ; en un mot, ils n'épargnaient ni leurs bras ni les ressources de leur esprit, bien résolus à tenir jusqu’à la dernière extrémité. Aussi, malgré l'importance des forces qui entouraient la ville, ils supportèrent le siège pendant cinq mois[164] ; enfin, quelques soldats d’élite d'Hérode eurent la hardiesse d’escalader le mur et s'élancèrent dans la ville ; après eux montèrent des centurions de Sossius. D'abord ils prirent le quartier voisin du Temple et comme les troupes débordaient de toutes parts, le carnage sévit sous mille aspects, car la longueur du siège avait exaspéré les Romains, et les Juifs de l'armée d’Hérode s’appliquaient à ne laisser survivre aucun de leurs adversaires. On égorgea les vaincus par monceaux dans les ruelles et les maisons où ils se pressaient ou aux abords du Temple qu'ils qu’ils cherchaient à gagner ; on n’épargna ni l’enfance ni la vieillesse ni la faiblesse du sexe ;  le roi eut beau envoyer partout des messagers exhorter à la clémence, les combattants ne retinrent point leurs bras, et, comme ivres de fureur, firent tomber leurs coups sur tous les âges indistinctement. Alors Antigone, sans considérer ni son ancienne fortune ni sa fortune présente, descendit de la citadelle (Baris) et se jeta aux pieds de Sossius. Celui-ci, loin de s'apitoyer sur son infortune, éclata de rire sans mesure et l'appela Antiqona ; cependant il ne le traita pas comme une femme, qu'on eût laissée en liberté :  Antigone fut mis aux fers et placé sous une garde étroite.

    3. [354] Hérode, vainqueur des ennemis, se préoccupa maintenant de vaincre ses alliés étrangers. Les Gentils se ruaient en foule pour visiter le Temple et les ustensiles sacrés du sanctuaire. Le roi exhortait, menaçait, quelquefois même mettait les armes à la main pour repousser les curieux, jugeant sa victoire plus fâcheuse qu’une défaite, si ces gens étaient admis à contempler les choses dont la vue est interdite. Il s'opposa aussi dès lors au pillage de la ville, ne cessant de représenter à Sossius que si les Romains dépouillaient la ville de ses richesses et de ses habitants, ils ne le laisseraient régner que sur un désert ; il ite voudrait pas, au prix du meurtre de tant de citoyens, acheter l'empire de l'univers. Sossius répliquant qu'il était juste d'autoriser le pillage pour payer les soldats des fatigues du siège, Hérode dit qu’il leur accorderait lui-même à tous des gratifications sur son trésor particulier. Il racheta ainsi les restes de sa patrie et sut remplir ses engagements. Chaque soldat fut récompensé largement, les officiers à proportion, et Sossius lui-même avec une libéralité toute royale, en sorte que nul ne s'en alla dépourvu. Sossius, de son côté, après avoir dédié à Dieu une couronne d’or partit de Jérusalem emmenant vers Antoine Antigone enchaîné. Celui-ci, attaché jusqu'au bout à la vie par une misérable espérance, périt sous la hache, digne châtiment de sa lâcheté.

    4. [358] Le roi Hérode fit deux parts dans la multitude des citoyens de la ville : ceux qui avaient soutenu ses intérêts, il se les concilia plus étroitement encore en les honorant ; quant aux partisans d'Antigone, il les extermina. Se trouvant bientôt à court d'argent, il fit monnayer tous les objets précieux qu'il possédait, pour envoyer des subsides à Antoine et à son entourage. Cependant même à ce prix il ne s'assura pas encore contre tout dommage : car déjà Antoine, corrompu par l'amour de Cléopâtre, commençait à se laisser dominer en toute occasion par sa passion,  et cette reine, après avoir persécuté son propre sang au point de ne laisser survivre  aucun membre de sa famille, s'en  prenait désormais au sang des étrangers. Calomniant les grands de Syrie auprès d'Antoine, elle lui  conseillait de les détruire,  dans l'espoir de devenir facilement maîtresse de leurs biens. Son ambition s'étendait jusqu'aux Juifs et aux Arabes, et elle machinait sournoisement la perte de leurs rois respectifs, Hérode et Malichos.

    5. [361] Antoine n'accorda qu'une partie de ses désirs [164a] : il jugeait sacrilège de tuer des hommes innocents, des rois aussi considérables ; mais il laissa se relâcher l'étroite amitié qui les unissait a lui [164b] et leur enleva de grandes étendues de territoire, notamment le bois de palmiers de Jéricho d'où provient le baume, pour en faire cadeau a Cléopâtre ; il lui donna aussi toutes les villes situées en-deçà du fleuve Eleuthéros, excepté Tyr et Sidon[165]. Une fois mise en possession de toutes ces contrées, elle escorta jusqu'à l'Euphrate Antoine, qui allait faire la guerre aux Parthes, et se rendit elle-même en Judée par Apamée et Damas. Là, par de grands présents, Hérode adoucit son inimitié et reprit à bail pour une somme annuelle de deux cents talents les terres détachées de son royaume : puis il l'accompagna jusqu'à Péluse, en lui faisant la cour de mille manières. Peu de temps après, Antoine revint de chez les Parthes, menant prisonnier Artabaze, fils de Tigrane, destiné à Cléopâtre, car il s'empressa de lui donner ce Parthe avec l'argent et tout le butin conquis[166].
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    Message  Arlitto Mer 18 Nov 2020 - 19:07

    XIX
    1-2. Guerre d’Hérode contre les Arabes. Vainqueur à Diospolis, il est battu à Canatha. – 3. Tremblement de terre désastreux. – 4. Harangue d’Hérode à ses troupes. – 5-6. Hérode, vainqueur à Philadelphie, devient protecteur des Arabes.


    1[167]. [364] Quand éclata la guerre d'Actium, Hérode se prépara à courir au secours d'Antoine, car il était déjà débarrassé des troubles de Judée et s'était emparé de la forteresse d'Hyrcania, qu'occupait la sœur d'Antigone. Mais Cléopâtre sut par ruse l'empêcher de partager les périls d'Antoine ; car, complotant, comme nous l'avons dit, contre les rois, elle persuada Antoine de confier à Hérode la guerre contre les Arabes, espérant, s'il était vainqueur, devenir maîtresse de l'Arabie, s'il était vaincu, de la Judée, et détruire ainsi les deux rois l'un par l'autre.


    2. [366] Toutefois ces desseins tournèrent à l'avantage d'Hérode ; car après avoir d'abord exercé des représailles sur ses ennemis, il ramassa un gros corps de cavalerie et le lança contre eux aux environs de Diospolis : il remporta la victoire, malgré une résistance opiniâtre. Cette défaite provoqua un grand mouvement parmi les Arabes : ils se réunirent en une foule innombrable autour de Canatha[168], ville de Cœlé-Syrie et y attendirent les Juifs. Hérode, arrivé avec ses troupes, aurait voulu conduire les opérations avec prudence et ordonna aux siens de fortifier leur camp. Mais cette multitude ne lui obéit pas ; enorgueillie de sa récente victoire, elle s'élança contre les Arabes. Elle les enfonça au premier choc et les poursuivit ; mais au cours de cette poursuite, Hérode tomba dans un guet-apens. Athénion, l'un des généraux de Cléopâtre, qui lui avait toujours été hostile, souleva contre lui les habitants de Canatha[169]. Les Arabes, à l'arrivée de ce renfort, reprennent courage et font volte-face. Rassemblant toutes leurs forces dans un terrain rocheux et difficile, ils mettent en fuite les troupes d'Hérode et en font un grand carnage. Ceux qui s'échappèrent se réfugièrent à Ormiza ; mais les Arabes y cernèrent leur camp et le prirent avec ses défenseurs.


    3. [369] Peu de temps après ce désastre Hérode revint avec des secours, trop tard pour y remédier. La cause de sa défaite fut l'insubordination de ses lieutenants : sans ce combat improvisé Athénion n'eût pas trouvé l'occasion de sa perfidie. Cependant Hérode se vengea des Arabes en ravageant encore à diverses reprises leur territoire, et leur rappela ainsi par maints cuisants souvenirs [169a] leur unique victoire. Tandis qu'il se défendait contre ses ennemis, une autre fatalité providentielle l'accabla dans la septième année de son règne, pendant que la guerre d'Actium battait son plein[170]. Au début du printemps un tremblement de terre fit périr d'innombrables bestiaux et trente mille personnes : heureusement l'armée ne fut pas atteinte, car elle campait en plein air. A ce moment l'audace des Arabes redoubla, excitée par la rumeur, qui grossit toujours les évènements funestes. Ils s'imaginèrent que toute la Judée était en ruine et qu'ils s'empareraient d’un pays sans défenseurs ; dans cette pensée ils l'envahirent, après avoir immolé les députés que les Juifs leur avaient envoyé. L'invasion frappe de terreur la multitude, démoralisée par la grandeur de ces calamités successives ;  Hérode la rassemble et s'efforce par ce discours de l’encourager à la résistance :


    4. [373] « La crainte qui vous envahit à cette heure me paraît complètement dénuée de raison. Devant les coups de la Providence le découragement était naturel ; devant l'attaque des hommes, ce serait le fait de lâches. Pour moi, bien loin de craindre l'invasion des ennemis succédant au tremblement de terre, je vois dans cette catastrophe une amorce dont Dieu s'est servi pour attirer les Arabes et les livrer à notre vengeance. S'ils nous attaquent, ce n'est pas, en effet, par confiance dans leurs armes ou leurs bras, mais parce qu'ils comptent sur le contrecoup de ces calamités naturelles ; or trompeuse est l'espérance qui repose non sur notre propre force, mais sur le malheur d'autrui. Ni la bonne ni la mauvaise chance n’est durable parmi les hommes, et l'on voit souvent la fortune changer de face : vous pouvez l'apprendre par votre propre exemple. Vainqueurs dans la première rencontre, nous avons vu ensuite les ennemis remporter l'avantage ; de même aujourd'hui, suivant toute vraisemblance, ils succomberont, alors qu'ils se flattent de triompher. Car l'excès de confiance rend imprudent, tandis que l'appréhension enseigne la précaution ; aussi votre pusillanimité même raffermit ma confiance. Lorsque vous vous montriez pleins d'une hardiesse excessive, lorsque, dédaignant mes avis, vous vous élanciez contre les ennemis, Athénion trouva l'occasion de sa perfidie ; maintenant, votre inertie et vos marques de découragement me donnent l'assurance de la victoire. Cependant cette disposition d'esprit ne convient que pendant l'attente [170a] ; dans l'action même, vous devez porter haut vos cœurs afin que les plus impies sachent bien que jamais calamité humaine ni divine ne pourra humilier le courage des Juifs, tant qu'ils auront un souffle de vie, que nul d'entre eux ne laissera avec indifférence ses biens tomber au pouvoir d'un Arabe, qu'il a tant de fois, pour ainsi dire, pu emmener captif. Ne vous laissez pas davantage troubler par les mouvements de la matière brute, n'allez pas vous imaginer que le tremblement de terre soit le signe d'un autre malheur ; les phénomènes qui agitent les éléments ont une origine purement physique ; ils n’apportent aux hommes d'autres dommages que leur effet immédiat. Une peste, une famine, les agitations du sol peuvent être précédées elles-mêmes de quelque signe plus fugitif, mais ces catastrophes une fois réalisées sont limitées par leur propre étendue. Et, en effet, quels dommages plus considérables que ceux de ce tremblement de terre pouvait nous faire éprouver l'ennemi [170b], même victorieux ? En revanche, voici un prodige important qui annonce la perte de nos ennemis ; il ne s'agit ni de causes naturelles, ni du fait d'autrui :  contre la loi commune à tous les hommes, ils ont brutalement mis à mort nos ambassadeurs ; voila les victimes couronnées [170c] qu'ils ont offertes à Dieu pour obtenir le succès. Mais ils n'échapperont pas à son œil puissant, à sa droite invincible ; bientôt ils subiront le châtiment mérité, si, retenant quelque trace de la hardiesse de nos pères[171], nous nous levons pour venger cette violation des traités. Marchons donc non pour défendre nos femmes, nos enfants, notre patrie en danger, mais pour venger les députés assassinés. Ce sont eux qui conduiront nos armes mieux que nous, les vivants. Moi-même, je m'exposerai le premier [171a] au péril, pourvu que je vous trouve dociles, car, sachez le bien, votre courage est irrésistible, si vous ne vous perdez vous-mêmes par quelque témérité. »


    5. [380] Ces paroles ranimèrent l'armée : quand Hérode la vit pleine d’ardeur il offrit un sacrifice à Dieu, puis franchit le Jourdain avec ses troupes. Il campa à Philadelphie près de l'armée ennemie et commença à escarmoucher au sujet d'un château placé entre les deux camps avec le désir d'engager la bataille au plus vite. Les ennemis avaient fait un détachement pour occuper ce poste ; la troupe envoyée par le roi les délogea promptement et tint fortement la colline. Tous les jours Hérode amenait son armée, la rangeait en bataille et provoquait les Arabes au combat ; mais nul d'entre eux ne sortait des retranchements, car ils étaient saisis d'un profond abattement, et tout le premier, le général arabe Elthémos restait muet d'effroi. Alors le roi s'avança et commença à arracher les palissades du camp ennemi. Les Arabes, contraints et forcés, sortirent enfin pour livrer bataille, en désordre, les fantassins confondus avec les cavaliers. Supérieurs en nombre aux Juifs, ils avaient moins d'enthousiasme ; pourtant le désespoir même leur donnait quelque audace.


    6. [383] Aussi, tant qu'ils tinrent bon, ils ne subirent que de faibles pertes, mais dés qu'ils tournèrent le dos, les Juifs les massacrèrent en foule : un grand nombre aussi s'entre-tuèrent en s'écrasant les uns les autres. Cinq mille hommes tombèrent dans la déroute, le reste de la multitude se hâta de gagner le camp fortifié et s'y s'enferma. Hérode les entoura aussitôt et les assiégea ; ils devaient nécessairement succomber à un assaut, lorsque le manque d'eau et la soif précipitèrent leur capitulation. Le roi reçut avec mépris leurs députés et, quoiqu'ils offrissent une rançon de cinq mille talents,  il les pressa encore plus étroitement. Dévorés par la soif, les Arabes sortaient en foule pour se livrer d'eux-mêmes aux Juifs. En cinq jours, on fit quatre mille prisonniers ; le sixième jour, cédant au désespoir, le reste de la multitude sortit au combat : Hérode fit face et en tua encore environ sept mille. Après avoir, par ce coup terrible, repoussé les Arabes et brisé leur audace, il acquit auprès d'eux tant de crédit que leur nation le choisit pour protecteur.
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    Message  Arlitto Mer 18 Nov 2020 - 19:07

    XX
    1-2. Bataille d’Actium. Hérode confirmé dans son royaume par Octavien. – 3. Services rendus par Hérode à Octavien dans la campagne d’Égypte. Son territoire agrandi. - 4. Nouveaux agrandissements (Trachonitide, etc.)

    1[172]. [386] A peine ce danger disparu, il trembla bientôt pour son existence même ; et cela à cause de son amitié pour Antoine, que César venait de vaincre à Actium[173]. Il eut cependant plus de crainte que de mal ; car tant qu'Hérode restait fidèle à Antoine, César ne jugeait pas celui-ci à sa merci[174], Cependant le roi résolut d'aller au devant du péril ; il se rendit à Rhodes, où séjournait César, et se présenta devant lui sans diadème, dans le vêtement et l'attitude d'un simple particulier, mais gardant la fierté d’un roi ; car, sans rien altérer de la vérité, il lui dit en face : « Fait roi par Antoine, César, j'avoue qu’en toute occasion j'ai cherché à le servir : je ne te cacherai même pas, que ma reconnaissance l'aurait suivi jusque sur les champs de bataille, si les Arabes ne m'en avaient empêché ; cependant je lui ai envoyé des troupes dans la mesure de mes forces et des milliers de boisseaux de blé. Même après sa délaite d'Actium, je n'ai pas abandonné mon bienfaiteur ; ne pouvant plus être un allié utile, je fus pour lui le meilleur des conseillers. Je lui représentai qu'il n'y avait qu'un seul remède à ses désastres : la mort de Cléopâtre ; elle tuée, je lui promettais mes richesses, mes remparts pour sa sûreté, mes troupes et moi-même, pour l'aider dans la guerre qu'il  te faisait. Mais les charmes de Cléopâtre et Dieu qui t'accorde l'empire ont bouché ses oreilles. J'ai été vaincu avec Antoine, et quand tomba sa fortune, j'ai déposé le diadème. Je suis venu vers toi, mettant dans mon innocence l'espérance de mon salut, et présumant qu'on examinera quel ami je fus et non pas de qui je l'ai été. »

    2. [391] A cela César répondit : « Eh bien ! sois donc pardonné, et règne désormais plus sûrement qu'autrefois. Car tu es digne de régner sur beaucoup d’hommes, toi qui respectes l'amitié à ce point. Tâche de garder la même fidélité à ceux qui sont plus heureux ; de mon côté, la grandeur d'âme me fait concevoir les plus brillantes espérances. Antoine a bien fait d'écouter les conseils de Cléopâtre plutôt que les tiens : c’est à sa folie que je dois le gain de ton alliance. Tu inaugures déjà tes services, puisque si j'en crois une lettre de Q. Didius[175], tu lui as envoyé des secours contre les gladiateurs. Maintenant je veux par un décret public confirmer ta royauté et je m'efforcerai à l'avenir de te faire encore du bien, pour que tu ne regrettes pas Antoine. »

    3[176]. [393] Ayant ainsi témoigné sa bienveillance au roi et placé le diadème sur sa tête, il confirma ce don par un décret où il faisait longuement son éloge en termes magnifiques. Hérode, après l'avoir adouci par des présents, chercha à obtenir la grâce d'Alexas, un des amis d'Antoine, venu en suppliant ; mais le ressentiment de César fut le plus fort ; les nombreux et graves griefs qu'il avait contre Alexas firent repousser cette supplique. Quand ensuite César se dirigea vers l'Égypte à travers la Syrie, Hérode le reçut en déployant pour la première fois un faste royal  il l'accompagna à cheval dans la revue que César passa de ses troupes, près de Ptolémaïs ; il lui offrit un festin à lui et à tous ses amis ; au reste de l'armée il lit faire bonne chaire de toute façon. Puis, quand les troupes s'avancèrent jusqu'à Péluse à travers une région aride, il prit soin de leur fournir l'eau en abondance, et de même au retour ; par lui, en un mot, l'armée ne manqua jamais du nécessaire. César lui-même et les soldats estimaient que le royaume d'Hérode était bien étroit, en proportion des sacrifices qu’il faisait pour eux. Aussi, lorsque César parvint en Égypte après la mort de Cléopâtre et d'Antoine, non seulement il augmenta tous les honneurs d'Hérode, mais il agrandit encore son royaume en lui rendant le territoire que Cléopâtre s'était approprié ; il y ajouta Gadara, Hippos et Samarie ; en outre, sur le littoral, Gaza, Anthédon, Joppé et la Tour de Straton. Il lui donna, enfin, pour la garde de sa personne, quatre cents Gaulois qui avaient d'abord été les satellites de Cléopâtre. Rien n'excita d'ailleurs cette générosité comme la fierté de celui qui en était l'objet.

    4[177]. [398] Après la première période Actiaque[178], l’empereur ajouta au royaume d'Hérode la contrée appelée Trachonitide et ses voisines, la Batanée et l'Auranitide. En voici l'occasion, Zénodore, qui avait loué le domaine de Lysanias, ne cessait d'envoyer les  brigands de la Trachonitide contre les habitants de Damas. Ceux-ci vinrent se plaindre auprès de Varron, gouverneur de Syrie, et le prièrent d’exposer à César leurs souffrances  quand l'empereur les apprit, il répondit par l'ordre d'exterminer ce nid de brigands. Varron se mit donc en campagne, nettoya le territoire de ces bandits et en déposséda Zénodore :  c'est ce territoire que César donna ensuite à Hérode, pour empêcher que les brigands n'en fissent de nouveau leur place d'armes contre Damas. Il le nomma aussi procurateur de toute la Syrie, quand, dix ans après son premier voyage, il revint dans cette province[179] ; car il défendit que les procurateurs pussent prendre aucune décision sans son conseil. Quand enfin mourut Zénodore, il donna encore à Hérode tout le territoire situé entre la Trachonitide et la Galilée. Mais ce qu'Hérode appréciait au-dessus de ces avantages, c'est qu'il venait immédiatement après Agrippa dans l'affection de César, après César dans celle d'Agrippa. Grâce à cette faveur, sa prospérité s'éleva au plus haut degré : son esprit croissait dans la même mesure et presque toute son ambition se tourna vers des œuvres de piété.
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    Message  Arlitto Mer 18 Nov 2020 - 19:10

    XXI

    1. Reconstruction par Hérode du Temple de Jérusalem : palais royal, tour Antonia. – 2. Fondation de Sébasté. – 3. Temple du Paneion. – 4. Constructions diverses en l’honneur d’Auguste. – 5-7. Port de Césarée. – 8-9. Jeux de Césarée. Fondation d’Agrippium (Anthédon), Antipatris, Cypros, Phasaëlis. – 10. Les deux Hérodium. – 11-12. Libéralités à des villes étrangères. Jeux olympiques. – 13. Portrait d’Hérode.



    1[180]. [401] Ce fut donc dans la quinzième année de son règne[181] qu'il fit rebâtir le Temple et renouveler les fortifications de l'espace environnant, porté au double de son étendue primitive. Ce fut une entreprise extrêmement coûteuse et d'une magnificence sans égale, comme l’attestent les grands portiques élevés autour du Temple et la citadelle qui le flanqua au nord : les portiques furent reconstruits de fond en comble, la citadelle restaurée avec une somptuosité digne d’un palais royal ; Hérode lui donna le nom d'Antonia, en l'honneur d'Antoine. Son propre palais, qu'il fit construire dans la partie haute de la ville, comprenait deux appartements très vastes et magnifiques, avec lesquels le Temple même ne pouvait soutenir la comparaison ; il les appela du nom de ses amis, l'un Césaréum, l'autre Agrippium.



    2[182]. [403] D'ailleurs, il ne se contenta pas d'attacher à des palais le nom et la mémoire de ses protecteurs ; sa générosité s'exprima par la création de cités entières. Dans le pays de Samarie, il entoura une ville d'une magnifique enceinte de vingt stades, y introduisit six mille colons et leur attribua un territoire très fertile ; au centre de cette fondation, il éleva un très grand temple dédié a l'empereur, l'entoura d'un enclos réservé de un stade et demi[183] et nomma la ville Sébasté. Les habitants reçurent une constitution privilégiée.



    3[184]. [404] Quand plus tard l'empereur lui fit présent de nouveaux territoires, Hérode lui dédia là aussi un temple de marbre blanc près des sources du Jourdain, au lieu appelé Paneion. Une montagne y dresse son sommet à une immense hauteur[185] et ouvre dans la cavité de son flanc un antre obscur, où plonge jusqu'à une profondeur inaccessible un précipice escarpé ; une masse d'eau tranquille y est enfermée, si énorme qu'on a vainement essayé par des sondages d'atteindre le fond. De cet antre au pied de la montagne, jaillissent extérieurement les sources qui, suivant l'opinion de plusieurs, donnent naissance au Jourdain ; nous en parlerons avec plus de précision dans la suite.



    4[186]. [406] A Jéricho encore, entre la citadelle de Cypros[187] et l'ancien palais, le roi fit construire de nouvelles habitations plus belles et mieux aménagées pour la réception des hôtes ; il leur donna le nom de ces mêmes amis[188]. En un mot, il n'y eut pas dans son royaume un lieu approprié où il ne laissât quelque marque d'hommage envers César. Après avoir rempli de temples son propre territoire, il fit déborder sur la province entière sa dévotion à l'empereur et fonda des temples de César dans plusieurs cités.



    5[189]. [407] Il remarqua parmi les cités du littoral une ville appelée Tour de Straton , alors en pleine décadence, mais qu'une situation favorable recommandait à sa libéralité. Il la reconstruisit tout entière en pierre blanche, l'orna des palais les plus magnifiques et y déploya plus que partout ailleurs la naturelle grandeur de son génie. Tout le littoral entre Dora et Joppé, à égale distance desquelles se trouve cette ville, est dépourvu de ports : aussi tous les navigateurs qui longent la Phénicie pour se rendre en Égypte jetaient-ils l'ancre au large sous la menace du vent du sud-ouest ; car, même quand il souffle modérément, le flot se soulève à une telle hauteur contre les falaises que son reflux entretient à une grande distance la fureur de la mer. Le roi, par sa prodigue magnificence, triompha de la nature, construisit un port plus grand que le Pirée et pratiqua dans ses recoins d'autres mouillages profonds.



    6. [408] Bien que le terrain contrariât tous ses projets, il combattit si bien les obstacles, qu'il garantit contre les attaques de la mer la solidité de ses constructions, tout en leur donnant une beauté qui éloignait toute idée de difficulté. En effet, après avoir mesuré pour le port la superficie que nous avons indiquée, il fit immerger dans la mer, jusqu’à une profondeur de vingt brasses, des blocs de pierre dont la plupart mesuraient cinquante pieds de longueur, neuf de hauteur et dix de largeur[190] ; quelques-uns même étaient plus grands encore. Quand le fond eut été ainsi comblé, il dressa sur ces assises, au-dessus de l'eau, un môle large de deux cents pieds : la moitié, cent pieds, servait à recevoir l'assaut des vagues, - d'où son nom de « brise-lames » - le reste soutenait un mur de pierre, qui faisait tout le tour du port ; de ce mur surgissaient, de distance en distance, de hautes tours dont la plus grande et la plus magnifique fut appelée Drusion, du nom du beau-fils de l’empereur.



    7. [411] Il ménagea dans le mur un grand nombre de chambres voûtées, où s'abritaient les marins qui venaient jeter l'ancre : toute la terrasse circulaire, courant devant ces arcades, formait un large promenoir pour ceux qui débarquaient. L'entrée du port s'ouvrait au nord, car, dans ces parages, c'est le vent du nord qui est, de tous, le plus favorable. Dans la passe on voyait de chaque côté trois colosses, étayés sur des colonnes ; ceux que les navires entrants avaient à bâbord s'élevaient sur une tour massive, ceux à tribord sur deux blocs de pierre dressés et reliés entre eux, dont la hauteur dépassait celle de la tour vis-à-vis. Adjoignant au port on voyait des édifices construits eux aussi en pierre blanche, et c'était vers le port que convergeaient les rues de la ville, tracées à des intervalles égaux les unes des autres. En face de l'entrée du port s'élevait sur une éminence le temple d'Auguste[191], remarquable par sa beauté et sa grandeur ; il renfermait une statue colossale de l'empereur, qui ne le cédait point à celle du Zeus d'Olympie dont elle était inspirée, et une statue de Rome, semblable à celle d'Héra, à Argos. Hérode dédia la ville à la province, le port à ceux qui naviguaient dans ces parages, à César la gloire de cette fondation ; aussi donna-t-il à la cité le nom de Césarée.



    8[192]. [415] Le reste des constructions, l'amphithéâtre, le théâtre, les places publiques, furent dignes du nom de cette ville. Hérode y institua aussi des jeux quinquennaux[193], également dénommés d'après l'empereur ; il les inaugura lui-même, dans la 192e Olympiade[194], en proposant des prix magnifiques : non seulement les vainqueurs, mais encore ceux qui venaient au second et au troisième rang prenaient part aux largesses royales. Il releva encore Anthédon, ville du littoral, qui avait été ruinée au cours des guerres, et lui donna le nom d'Agrippium[195] ; dans l'excès de son affection pour Agrippa, il fit graver le nom de ce même ami sur la porte qu'il éleva dans le Temple[196].

    9[197]. [417] Hérode, qui aimait ses parents autant que fils au monde, consacra à la mémoire de son père une cité dont il choisit l'emplacement dans la plus belle plaine de son royaume, abondante en cours d'eau et en arbres ; il lui donna le nom d'Antipatris. Au-dessus de Jéricho, il entoura de murailles un lieu remarquable par sa forte position et sa beauté et l'appela Cypros du nom de sa mère. Celui de son frère Phasaël fut attribué à un tour de Jérusalem, dont nous dirons dans la suite la structure et la somptueuse grandeur. Il nomma encore Phasaëlis une autre ville qu'il fonda dans la vallée, au nord de Jéricho.



    10[198]. [419] Ayant ainsi transmis à l'immortalité ses parents et ses amis, il n'oublia pas le souci de sa propre mémoire. C'est ainsi qu'il renouvela les fortifications d'une place située dans la montagne, du côté de l'Arabie, et l'appela de son propre nom, Hérodium. Une colline artificielle en forme de mamelon, à soixante stades de Jérusalem, reçut le même nom, mais fut embellie avec plus de recherche. Hérode entoura le sommet de la colline d'une couronne de tours rondes et accumula dans l'enceinte les palais les plus somptueux : non seulement l'aspect des constructions, à l'intérieur, était superbe, mais les richesses étaient répandues à profusion sur les murs extérieurs, les créneaux et les toits. Il fit venir à grands frais de loin des eaux abondantes et assura l'accès du palais par un escalier de deux cents degrés de marbre d'une blancheur éclatante, car la colline était assez haute et tout entière faite de main d'homme. Au pied du coteau, il bâtit un autre palais pouvant abriter un mobilier et recevoir ses amis. Par la plénitude des ressources, cette enceinte fortifiée paraissait être une ville par ses dimensions, c'était un simple palais.



    11[199]. [422] Après tant de fondations, il témoigna encore sa générosité à un grand nombre de villes étrangères. Il construisit, en effet, des gymnases à Tripolis, à Damas et à Ptolémaïs, une muraille à Byblos, des exèdres, des portiques, des temples et des marchés à Béryte et à Tyr, des théâtres à Sidon et à Damas; à Laodicèe sur mer, un aqueduc ; à Ascalon, des bains, de somptueuses fontaines, des colonnades admirables pour la beauté et les dimensions ; d'autres cités furent embellies de parcs et de prairies. Beaucoup de villes, comme si elles eussent été associées à son royaume, reçurent de lui des territoires ; d'autres, comme Cos, obtinrent des gymnasiarchies annuelles à perpétuité, assurées par des rentes constituées, afin de n’être jamais privées de cet honneur. Il distribua du blé à tous ceux qui en avaient besoin ; il fournit aux Rhodiens à diverses reprises  [199a] de fortes sommes destinées à des constructions navales, et quand leur Pythion fut incendié, il le fit reconstruire plus magnifiquement à ses frais. Faut-il rappeler ses présents aux Lyciens [199b] et aux Samiens, et des marques de générosité qu'il répandit dans l'Ionie entière suivant les besoins de chacun ? Les Athéniens, les Lacédémoniens, les habitants de Nicopolis, de Pergame en Mysie, ne sont-ils pas comblés des offrandes d'Hérode ? Et la grande rue d’Antioche de Syrie, qu'on évitait à cause de la boue, n'est-ce pas lui qui l'a pavée en marbre poli sur une longueur de vingt stades, lui qui l'a ornée d'un portique de même longueur pour abriter les promeneurs contre la pluie ?



    12[200]. [426] Tous ces dons, dira-t-on, n'intéressaient que chacun des peuples particuliers ainsi gratifiés ; les largesses qu'il fit aux Eléens ne sont pas seulement un présent commun à la Grèce entière, mais à tout l’univers où se répand la gloire des jeux olympiques. En voyant ces jeux déchus par l'absence de ressources et cet unique reste de l'ancienne Grèce tombant en ruine, non seulement il se laissa nommer agonothète pour la période quinquennale qui commençait au moment où, faisant voile vers Rome[201], il passa par là, mais il constitua encore, au profit de la fête, des revenus perpétuels qui devaient à jamais conserver sa mémoire parmi les agonothètes futurs[202]. Je n'en finirais pas de passer en revue les dettes et les impôts qu'il pris à sa charge ; c'est ainsi qu'il allégea les contributions annuelles des habitants de Phasélis[203], de Balanéa[204], des petites villes de Cilicie. Il dut souvent mettre un frein à sa générosité, par crainte d'exciter l'envie et de paraître poursuivre un but trop ambitieux en faisant plus de bien aux villes que leurs propres maîtres.



    13[205]. [429] Il était servi par une constitution physique en rapport avec son génie. Il excella toujours à la chasse, où il se distingua surtout par son expérience de cavalier : en un seul jour il terrassa quarante bêtes sauvages, car le pays nourrit des sangliers, et foisonne surtout de cerfs et d'ânes sauvages. Il fut aussi un soldat irrésistible. Souvent, dans les exercices du corps, il frappa d'étonnement les spectateurs à le voir jeter le javelot si juste et tirer de l'arc avec tant de précision. Mais outre les avantages de l'esprit et du corps, il eut encore pour lui la bonne fortune : il fut rarement battu à la guerre ; ses échecs ne furent-ils pas de sa faute, mais dus à la trahison, ou a l'ardeur téméraire de ses soldats.
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    Message  Arlitto Mer 18 Nov 2020 - 19:11

    XXII
    1. Malheurs domestiques d’Hérode. Exil d’Antipater, supplice d’Hyrcan. – 2. Enfants d’Hérode. Mort de Jonathas (Aristobule). – 3-5. Supplice de Mariamme.
    1[206]. [431] Cependant la prospérité extérieure d'Hérode fut empoisonnée de chagrins domestiques par le sort jaloux ; l'origine de ses infortunes fut la femme qu'il aimait le plus. Arrivé au pouvoir, il avait répudié l'épouse qu'il s'était donnée dans une condition privée, Doris, originaire de Jérusalem, et pris pour nouvelle compagne Mariamme, fille d’Alexandre, fils d'Aristobule ; ce fut elle qui jeta le trouble dans sa maison. Ce trouble commença de bonne heure, mais s'aggrava surtout après le retour d'Hérode de Rome. Tout d'abord il chassa de la capitale le fils qu'il avait eu de Doris, Antipater, à cause des enfants que lui avait donnés Mariamme ; il ne l'autorisa à y paraître que pour les fêtes. Ensuite il mit à mort, sous le soupçon d'un complot, Hyrcan, grand-père de sa femme, qui était revenu de chez les Parthes auprès de lui[207]. On a vu que Barzapharnès, lorsqu'il envahit la Syrie, avait emmené Hyrcan prisonnier ; mais les Juifs qui habitaient au delà de  l'Euphrate obtinrent, à force de larmes, sa mise en liberté. S'il avait suivi leur conseil de ne pas rentrer auprès d'Hérode, il aurait évité sa fin tragique ; le mariage de sa petite-fille fut l'appât mortel qui le perdit. Il vint, confiant dans cette alliance et poussé par un ardent désir de revoir sa patrie. Hérode fut exaspéré, non pas que le vieillard aspirât à la royauté, mais parce qu'elle lui revenait de droit.
    2[208]. [435] Hérode eut cinq enfants de Mariamme, deux filles[209] et trois fils. Le plus jeune de ceux-ci fut élevé à Rome et y mourut ; les deux aînés[210] reçurent une éducation royale, à cause de l'illustre naissance de leur mère et parce qu'ils étaient liés après l'avènement d'Hérode au trône. Plus que tout cela, ils avaient pour eux l'amour d'Hérode envers Mariamme, amour de jour en jour plus passionné, au point même de le rendre insensible aux chagrins que lui causait l'aimée ; car l'aversion de Mariamme pour lui égalait son amour pour elle. Comme les événements donnaient à Mariamme de justes motifs de haine, et l'amour de son mari le privilège de la franchise, elle reprochait ouvertement à Hérode sa conduite envers son aïeul Hyrcan et son frère Jonathas[211] ; car il n'avait pas même épargné cet enfant : investi à l'âge de dix-sept ans des fonctions de grand prêtre, il avait été mis à mort, aussitôt après son entrée en charge ; son crime fut qu'un jour de fête, comme, revêtu de la robe du sacerdoce, il montait à l'autel, le peuple assemblé en foule s'était mis à pleurer. Là-dessus Hérode le fit partir de nuit pour Jéricho, où, sur l'ordre du roi, les Gaulois[212] le plongèrent dans une piscine et le noyèrent.
    3[213]. [438] Pour ces motifs Mariamme harcelait Hérode de ses reproches, poursuivant même de ses outrages la mère et la sœur du roi. Comme la passion d'Hérode continuait à le paralyser, ces deux femmes, bouillantes d'indignation, dirigèrent contre la reine la calomnie qui devait à leurs yeux toucher le plus vivement Hérode : l'adultère. Parmi tant d'inventions qu'elles imaginèrent pour le persuader, elles accusèrent Mariamme d'avoir envoyé son portrait à Antoine, en Égypte, et d'avoir poussé l'excès de son impudeur jusqu'à se montrer, absente, à un homme passionné pour le sexe et assez puissant pour la prendre de force. Cette accusation frappa Hérode comme un coup de tonnerre : l'amour allumait sa jalousie ; il se représentait avec quelle habileté Cléopâtre s'était débarrassée du roi Lysanias et de l'Arabe Malichos[214] ; il se vit menacé non seulement de perdre son épouse mais la vie.
    4[215]. [441] Comme il devait partir en voyage, il confia sa femme à Joseph, mari de Salomé sa sœur, personnage fidèle et dont cette alliance lui garantissait l'affection ; il lui donna en secret l'ordre de mettre à mort la reine, si Antoine le tuait lui-même. Là-dessus Joseph, sans aucune mauvaise intention, mais pour donner à la reine une idée de l'amour du roi, qui ne pouvait souffrir d'être séparé d'elle, même dans la mort, révéla le secret à Mariamme. Quand Hérode revint, il fit à Mariamme, dans l'effusion de leurs entretiens, mille serments de son affection, l'assurant qu'il n'aimerait jamais une autre femme. Alors la reine : « Tu l'as bien montré cet amour, dit-elle, par l'ordre que tu as donné à Joseph de me tuer ».
    5. [443] En entendant ce propos, Hérode devint comme fou : il s'écria que Joseph n'aurait jamais trahi à la reine sa mission, s'il ne l'avait d'abord séduite. Égaré par le chagrin, il s'élança du lit et courut çà et là dans le palais. Salomé, sa sœur, saisit cette occasion d'enfoncer ses calomnies et fortifia les soupçons du roi contre Joseph. Affolé par l'excès de sa jalousie, il donna aussitôt l'ordre de les tuer tous les deux. Le regret suivi de près cette explosion de douleur, et quand la colère fût tombée, l'amour se ralluma de nouveau. Telle était l'ardeur de sa passion qu'il ne pouvait croire sa femme morte ; dans son égarement [215a] il lui parlait comme si elle respirait ; et quand enfin le temps  lui  eut fait  comprendre sa perte, son deuil égala l'amour que vivante elle lui avait inspiré.
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    Message  Arlitto Mer 18 Nov 2020 - 19:11

    XXIII
    1-2. Hostilité des fils de Mariamme envers Hérode. Rappel et intrigues d’Antipater. – 3. Procès des fils de Mariamme devant Auguste ; réconciliation générale. – 4. Visite chez Archélaüs de Cappadoce. – 5. Hérode proclame ses trois fils héritiers de sa couronne ; son discours au peuple.

    1[216]. [445] Les fils de Mariamme héritèrent du ressentiment de leur mère. Réfléchissant au crime de leur père, ils le regardaient comme un ennemi, cela dès le temps où ils faisaient leur éducation à Rome, et plus encore après leur retour en Judée : cette disposition ne fit que croître chez eux avec les années. Quand ils furent en âge de se marier et qu'ils épousèrent, l'un la fille de sa tante Salomé, l'accusatrice de leur mère, l'autre[217] la fille du roi de Cappadoce, Archélaüs, leur haine se doubla de franc parler. Leur audace fournit un aliment à la calomnie, et dés lors certaines gens firent entendre clairement au roi que ses deux fils conspiraient contre lui, que même celui qui avait épousé la fille d’Archélaüs, comptant sur le crédit de son beau-père, se préparait à fuir pour aller accuser Hérode devant l'empereur. Le roi, saturé de ces calomnies, fit alors revenir le fils de Doris, Antipater, pour lui servir de rempart contre ses autres fils et commença à lui marquer sa préférence de mille manières.

    2[218]. [449] Ce Changement parut intolérable aux fils de Mariamme. Devant la faveur croissante de ce fils d'une mère bourgeoise, la fierté de leur sang ne put maîtriser son indignation ; à chacun des affronts qu'ils recevaient, leur ressentiment éclatait ; Pendant que leur opposition s'accentuait chaque jour, Antipater se mit à intriguer de son côté, montrant une habileté consommée à flatter son père. Il forgeait contre ses frères des calomnies variées, répandant les unes lui-même, laissant propager les autres par ses confidents, jusqu'au point de ruiner complètement les espérances de ses frères à la couronne. En effet, il fut déclaré héritier du trône à la fois dans le testament de son père et par des actes publics : quand il fut envoyé en ambassadeur vers César[219], son équipage fut celui d'un roi ; il en avait les ornements et le cérémonial, excepté le diadème. Avec le temps il fut assez fort pour ramener sa mère dans le lit de Mariamme usant alors contre ses frères d'une arme double, la flatterie et la calomnie, il travailla l'esprit du roi jusqu'a lui faire projeter leur supplice.

    3[220]. [452] Le père traîna l'un d’eux, Alexandre, à Rome, et l'accusa devant César d’avoir tenté de l’empoisonner. Le prince, trouvant enfin l’occasion d'exprimer librement ses plaintes et ayant devant lui ni juge plus (impartial ?) qu'Antipater et de sens plus rassis qu'Hérode[221], eut cependant la modestie de voiler les fautes de son père, mais réfuta avec force les calomnies dont il était l'objet. Puis il démontra de la même manière l'innocence de son frère, qui partageait ses périls, et se plaignit de la scélératesse d'Antipater et de l'ignominie où tous deux étaient plongés. Il trouvait un secours à la fois dans la pureté de sa conscience et dans la force de ses discours il avait, en effet, un grand talent de parole. Quand, à la fin, il déclara que leur père pouvait les mettre à mort, s'il tenait l'accusation pour fondée, il arracha des larmes à tous les assistants. L'empereur touché s'empressa d'absoudre les accusés et de les réconcilier aussitôt avec Hérode. Les conditions de l'accommodement furent que les princes obéiraient en tout à leur père et que le roi serait libre de léguer la couronne à qui bon lui semblerait.

    4[222]. [455] Après cette dérision, le roi quitta Rome, écartant, semblait-il, ses accusations contre ses fils, mais non ses soupçons. Car Antipater, instigateur de sa haine, l'accompagnait, tout en n'osant pas manifester ouvertement soit inimitié, par crainte de l'auteur de la réconciliation. Quand le roi, en longeant le littoral de la Cilicie, aborda à Elaioussa, Archélaüs les reçut aimablement à sa table ; il félicita son gendre de son acquittement et se réjouit de voir le père et les fils réconciliés ; il s'était d'ailleurs empressé d’écrire à ses amis de Rome pour les prier de prêter assistance à Alexandre dans son procès. Il accompagna ses hôtes jusqu'à Zéphyrion et leur fit des présents dont la valeur montait à trente talents.

    5[223]. [457] Arrivé à Jérusalem, Hérode assembla le peuple et, lui présentant ses trois fils, s'excusa de son voyage, puis adressa de longs remerciements à Dieu, mais aussi à César, qui avait rétabli sa maison ébranlée et assuré à ses fils un bien plus précieux que la royauté  la concorde.

    « Cette concorde, dit-il, j'en resserrerai les liens moi-même, car l'empereur m'a institué maître du royaume et arbitre de ma succession. Or, considérant à la fois mon intérêt et la reconnaissance pour son bienfait, je proclame rois mes trois fils que voici, et je demande à Dieu d'abord, à vous ensuite, de confirmer mon suffrage. Ils ont droit à ma succession, l'un par son âge, les autres par leur naissance ; et l'étendue de mon royaume suffirait même à un plus grand nombre. Ceux donc que César a réconciliés, que leur père exalte, à votre tour respectez-les, décernez-leur des honneurs qui ne soient ni injustes, ni illégaux, mais proportionnés à l'âge de chacun, car en honorant quelqu'un au delà du droit que lui confèrent les années, on le réjouit moins qu'on n'attriste celui qu'on néglige. Je choisirai avec soin les conseillers intimes[224] qui devront vivre auprès de chacun d'eux, et je les instituerai garants de leur bonne intelligence, sachant bien que les factions et les rivalités des princes ont leur source dans ta méchanceté de leurs amis, comme leur concorde dans la vertu de ceux-ci. D'ailleurs j'exige non seulement de ces confidents, mais encore des chefs de mon armée, qu'ils mettent jusqu'à nouvel ordre leurs espérances en moi seul : ce n'est pas la royauté, ce sont les honneurs royaux seulement que je décerne à mes fils ; ils jouiront ainsi des agréments du pouvoir, comme s'ils étaient les maîtres, mais c'est sur moi que retombera le poids des affaires, quand même je ne le voudrais pas. Au reste, considérez tous mon âge, la conduite de ma vie, ma piété. Je ne suis pas assez vieux pour qu'on puisse escompter ma mort à bref délai, ni adonné aux plaisirs qui sapent la jeunesse même : j'ai honoré assez la divinité pour pouvoir espérer le plus long terme de l'existence. Quiconque fera donc la cour à mes fils, en vue de ma perte, encourra mon châtiment comme coupable envers eux-mêmes. Car ce n'est pas la jalousie envers ces enfants, sortis de moi, qui me fait limiter les hommages qu'on leur adresse, c'est la conviction que l'excès de flatterie encourage la jeunesse à la témérité. Si donc chacun de ceux qui approchent mes fils se persuade bien que, vertueux, il s'assurera ma reconnaissance, que, factieux, il perdra sa méchanceté même auprès de celui qu'il flattera, je pense qu'ils prendront tous à cœur mes intérêts, je veux dire ceux de mes fils ; car il est bon pour eux que je règne et bon pour moi qu'ils s'entendent entre eux. Quant à vous, mes chers fils, considérez les liens sacrés de la nature, qui maintiennent l'affection même entre les bêtes sauvages. Considérez César, auteur de notre réconciliation, considérez moi-même qui conseille là où je pourrais ordonner, et restez frères. Je vous donne, dès ce moment, la robe et les honneurs des rois je prie Dieu de confirmer mon jugement, si vous restez unis ».
    A ces mots, il embrassa cordialement chacun de ses fils, et renvoya la multitude ; les uns appuyaient de leurs vœux ses paroles, tandis que ceux qui désiraient un changement feignaient de ne les avoir pas même entendues.
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    Message  Arlitto Mer 18 Nov 2020 - 19:12

    XXIV
    1. Intrigues et calomnies d’Antipater contre les fils de Mariamme.- 2. Toute-puissance d’Antipater ; arrogance de Glaphyra. – 3. Plaintes de Salomé contre Aristobule. – 4. Essai de conciliation tenté par Hérode. – 5-6. Fautes et pardon de Phéroras et de Salomé. – 7. Alexandre dénoncé par ses eunuques. – 8. Son arrestation.

    1[225]. [467] Cependant les trois frères, en se séparant, emportaient la discorde attachée à leurs cœurs. Alexandre et Aristobule, redoublant de défiance, s'affligeaient de voir Antipater confirmé dans ses privilèges d'aîné ; Antipater en voulait à ses frères de prendre rang même après lui. Toutefois, ce dernier, d'un caractère très artificieux, savait garder le silence et, usant d'une extrême adresse, dissimulait la haine qu'il portait à ses frères ;  ceux-ci, au contraire, enflés de leur noble naissance, avaient toutes leurs pensées sur les lèvres. Beaucoup de gens s'ingénièrent à les exciter, un plus grand nombre s'insinuèrent dans leur amitié pour les espionner. Tout ce qui se disait dans l'entourage d'Alexandre était bientôt connu d'Antipater et passait d'Antipater à Hérode, non sans amplifications. Le jeune prince ne pouvait ouvrir la bouche sans être incriminé, tant la calomnie savait travestir le sens de ses paroles ; parlait-il avec un peu de liberté, les moindres bagatelles devenaient des énormités. Antipater glissait sans cesse auprès de lui des agents provocateurs, pour que ses mensonges eussent un fond de vérité ; de la sorte, parmi tant de médisances, un seul trait bien établi donnait créance au reste. Quant à ses propres amis, ou bien ils étaient de leur nature impénétrables, ou bien il obtenait d'eux, à force de présents, qu'ils ne divulguassent aucun secret. On aurait donc pu, sans se tromper, appeler la vie d'Antipater tout entière un mystère de perversité[226]. Corrompant à prix d'argent les familiers d’Alexandre ou les gagnant par des flatteries, son moyen à tout faire[227], il les changeait en traîtres, qui espionnaient tous les actes, toutes les paroles de son frère. Avec l’habilité d’un prudent machiniste, il savait amener ses calomnies aux oreilles d'Hérode par des voies artificieuses ; lui-même jouait le personnage d'un véritable frère, laissant à d'autres celui de dénonciateur. Alors, dès qu'on lançait quelque accusation contre Alexandre, il survenait comme par hasard, prenait sa défense et démolissait d'abord les méchants propos, mais, ensuite, il les relevait à loisir, et excitait contre lui la colère du roi. Toute la conduite de son frère était ramenée à un complot, tout convergeait à faire croire qu'il épiait l'occasion de tuer son père ; et rien ne donnait crédit à la calomnie comme les plaidoyers mêmes d'Antipater pour Alexandre.

    2. [473] Exaspéré par ces artifices, Hérode retranchait chaque jour quelque chose de son affection pour les jeunes princes et le reportait sur Antipater ; les familiers du palais inclinèrent dans le même sens, les uns de leur plein gré, les autres par ordre, tels que Ptolémée, le plus influent des amis d'Hérode, les frères du roi et toute sa famille. Antipater était tout-puissant, et, chose encore plus amère pour Alexandre, toute-puissante aussi la mère d'Antipater. Elle l'assistait de ses conseils dans tout ce qu'il tramait contre les deux frères, et, plus dure qu'une marâtre, elle haïssait ces fils de reine plus que des beaux-fils ordinaires.

    Tout le monde, donc, sur les espérances qu'il inspirait, faisait sa cour à Antipater ; tous étaient poussés à la désertion par les ordres mêmes du roi qui avait défendu à ses plus chers amis de fréquenter Alexandre ou de lui témoigner de la sympathie. Hérode était, d'ailleurs, redouté non seulement par les gens de son royaume, mais encore par ses amis du dehors, car nul roi n'avait obtenu de César de pareilles prérogatives, jusqu'à pouvoir revendiquer ses sujets fugitifs même dans un ville non soumise à son autorité. Quant aux jeunes princes, ignorant les calomnies dont ils étaient l'objet, ils s’y exposaient avec d'autant plus d'imprévoyance, car jamais leur père ne leur faisait ouvertement de reproches ; pourtant, peu à peu sa froideur les avertit, et son humeur de plus en plus revêche à proportion de son chagrin.


    En outre, Antipater indisposa contre eux leur oncle paternel Phéroras et leur tante Salomé, qu'il excitait par des conversations incessantes, parce qu'il la savait de grand sens[228]. Glaphyra, épouse d'Alexandre, nourrissait la haine de Salomé, à force de vanter la lignée de sa noble famille  elle se targuait d'être la souveraine de toutes les femmes du palais puisqu'elle remontait par son père à Téménos, par sa mère à Darius, fils d'Hystaspe[229]. En revanche, elle reprochait sans cesse la bassesse de leur naissance à la sœur d'Hérode et à ses femmes, qui toutes avaient été choisies pour leur beauté et non pour leur race. Ces femmes d'Hérode étaient en grand nombre, car la coutume nationale autorisait la polygamie chez les Juifs, et le roi s'y complaisait. L'arrogance de Glaphyra et ses injures faisaient de toutes ces femmes autant d'ennemies d'Alexandre.


    3[230]. [478] Aristobule lui-même, quoique gendre de Salomé, s'aliéna cette princesse déjà irritée par les mauvais propos de Glaphyra. Il ne cessait de reprocher à sa femme la bassesse de sa naissance, disant qu'il avait épousé une femme du peuple et son frère Alexandre une princesse. La fille de Salomé, vint tout en pleurs rapporter ces reproches à sa mère ; elle ajouta qu'Alexandre avait même menacé, une fois roi, de réduire les mères de ses autres frères à tisser la toile, comme ses esclaves, et de faire des princes eux-mêmes de simples greffiers de village, raillant ainsi le soin qu'on mettait à les instruire. Là-dessus, Salomé, ne pouvant maîtriser son ressentiment, alla tout raconter à Hérode, qui ne devait que trop la croire du moment qu'elle attaquait sont propre gendre. Une autre calomnie s'ajouta à celle-ci pour allumer la colère du roi : il apprit que les princes invoquaient fréquemment le nom de leur mère et gémissaient en maudissant leur père ; lorsque - et cela arrivait souvent - il donnait à ses nouvelles épouses des robes qui avaient appartenu à Mariamme, ils les menaçaient de les dépouiller bientôt de ces vêtements royaux pour leur faire porter des cilices[231].

    4[232]. [481] Hérode, quoique ayant appris à craindre l'insolence des jeunes princes, ne renonça pas à tout espoir de les ramener dans la bonne voie. Il les fit appeler au moment de s'embarquer pour Rome, leur adressa en roi de brèves menaces, et en père de longs avertissements. Il les exhorta à aimer leurs frères, promettant de pardonner leurs fautes passées, si leur conduite s'amendait à l'avenir. Les jeunes princes réfutèrent les attaques dont ils étaient l'objet, les déclarant mensongères et assurèrent que leurs actes confirmeraient leur dénégation ; ils ajoutèrent que cependant le roi devait aussi fermer la porte aux médisances, en cessant d'y croire si facilement ; car il ne manquerait pas de calomniateurs tant que la calomnie trouverait quelqu'un pour l'écouter.

    5[233]. [483] Ces assurances persuadèrent promptement le cœur d'un père, mais si les princes dissipèrent le danger pour le présent, ils conçurent de nouveaux soucis pour l'avenir, car ils reconnurent alors l'inimitié de Salomé et de leur oncle Phéroras. Tous deux étaient durs et malveillants, mais Phéroras le plus à redouter, car il partageait avec Hérode tous les honneurs royaux, sauf le diadème. Il avait un revenu personnel de cent talents et la jouissance de tout le territoire situé au delà du Jourdain, qu’il avait reçu en don de son frère. Hérode l'investit aussi du titre de tétrarque, après en avoir demandé la grâce a César, et l'honora d'un hymen royal en l'unissant à la sœur de sa propre femme[234]. Quand celle-ci mourut, le roi lui fiança l'aînée de ses propres filles[235], avec une dot de trois cents talents. Mais Phéroras se déroba à cette union royale, pour courir après une esclave qu'il aimait. Hérode, irrité, maria sa fille à un de ses neveux, qui fut plus tard tué par les Parthes[236] ; après quelque temps, il se relâcha de son ressentiment et pardonna à Phéroras sa maladie amoureuse.

    6[237]. [485] Depuis longtemps et du vivant même de la reine. Phéroras avait été accusé de comploter l'empoisonnement du roi, mais au moment où nous sommes[238], il survint un si grand nombre de dénonciateurs qu’Hérode, en dépit de sa grande affection pour son frère, finit par ajouter foi à leurs discours et prendre peur. Après avoir soumis à la question beaucoup de suspects, il en vint enfin aux amis de Phéroras. Aucun de ceux-ci n’avoua explicitement le complot, mais ils dirent qu’après avoir enlever sa maîtresse, Phéroras avait médité de fuir chez les Parthes, ayant pour confident de ce dessein et de cette fuite Costobaros auquel le roi avait uni sa sœur Salomé quand son premier époux eut été mis a mort pour crime d'adultère. Salomé elle-même n’était pas épargnée par la calomnie : son frère Phéroras l'accusait d'avoir signé  lin engagement de mariage avec Sylléos, procurateur du roi des Arabes Obodas, ennemi juré d’Hérode. Quoique convaincue de cette faute et de toutes celles dont Phéroras l'accusait, elle obtint son pardon ;  quant à Phéroras lui-même, Hérode le déchargea des accusations dont il était l'objet.

    7[239]. [488] C'est sur Alexandre que se détourna la tempête domestique c'est sur sa tête qu’elle s'abattit tout entière. Il y avait trois eunuques, particulièrement honorés du roi, comme l'indiquent les services dont ils étaient chargés : l'un versait le vin, l'autre servait le souper, le troisième mettait le roi au lit et reposait à côté de lui. Alexandre avait, à grand prix, obtenu les faveurs de ces hommes. Sur une dénonciation, le roi les soumit à la torture et leur arracha des aveux ; ils confessèrent bien vite leurs relations avec Alexandre, mais révélèrent aussi les promesses qui les y avaient amenés. Alexandre, racontaient-ils, les avait trompés, en leur disant : « Ne mettez pas votre confiance dans Hérode, ce vieillard impudent[240] et qui se teint les cheveux, à moins que cet artifice ne vous l'ait fait prendre pour un jeune homme : c'est moi, Alexandre, qu'il faut considérer, moi qui hériterai du trône, que mon père le veuille ou non ; j'aurai bientôt fait de me venger de mes ennemis et de faire le bonheur et l'opulence de mes amis, de vous entre tous ».  Ils ajoutaient que, à l'en croire, les grands faisaient secrètement leur cour à Alexandre et que les chefs de l'armée et les commandants des régiments s'abouchaient avec lui en cachette.

    8[241]. [492] Ces aveux effrayèrent tellement Hérode qu'il n'osa pas sur-le-champ les publier ; mais il sema des espions nuit et jour, recueillit tout t'e qui se faisait ou se disait, et se hâta de faire mourir ceux qui donnaient prise au soupçon. Le palais fut livré à une effroyable anarchie. Chacun, au gré de ses rivalités ou de ses haines personnelles, forgeait des calomnies ; beaucoup exploitaient contre leurs ennemis la colère meurtrière du roi. Le mensonge trouvait incontinent créance, le châtiment devançait la calomnie. L'accusateur d'hier se voyait bientôt accusé et traîné au supplice avec celui qu'il avait fait condamner : à tel point le danger de mort que croyait courir le roi lui faisait abréger ses enquêtes. Il s'exaspéra tellement que même ceux que nul n'accusait n'obtenaient plus de lui un regard bienveillant, et qu'il maltraita durement ses propres ami : beaucoup se virent interdire l'accès du palais ; ceux qu'épargnait son bras étaient blessés par ses paroles. Au milieu des malheurs d'Alexandre, Antipater revint à la charge et, faisant masse des favoris, ne recula devant aucune calomnie. Le roi fut poussé à un tel degré de terreur par les romans et les machinations d'Antipater qu'il se figurait voir Alexandre se dresser devant lui l'épée à la main. Il le fit donc arrêter à l'improviste et mettre en prison, puis procéda à la torture des amis de ce prince. La plupart moururent en silence, sans rien dire contre leur conscience ; quelques-uns se laissèrent arracher par la douleur des aveux mensongers : ils racontèrent qu'Alexandre, de concert avec son frère Aristobule, complotait contre le roi et qu'ils épiaient l'occasion de le tuer à la chasse, puis de s'enfuir à Rome. Ces récits avaient beau être invraisemblables et improvisés par la détresse : le roi prit plaisir à les croire et se consola d'avoir incarcéré son fils en s'imaginant l'avoir fait à bon droit.

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